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Les apparences changent, le fond reste le même...

Par Weirda

Il y a 30 ans de cela, lorsque je suis née et les années qui ont suivies, l'autisme n'était pas aussi bien diagnostiqué qu'aujourd'hui pour des raisons diverses. Tout d'abord parce que l'autisme n'était pas aussi bien connu et que les personnes qui avaient ce diagnostic étaient souvent des personnes avec un autisme « typique » ou tout du moins un autisme très prononcé. D'autre part parce que les outils de diagnostic n'étaient pas aussi fins qu'actuellement ( même s'ils restent encore à améliorer et affiner). Et enfin, certains peuvent aussi penser que certains facteurs ont favorisé la croissance du nombre de personnes avec autisme (mais à prendre avec précaution car il n'y a pas d'étude ayant réellement prouvé cela).

Je n'ai pas été diagnostiquée enfant.

Dans les années 80-90, seules les formes extrêmes d'autisme étaient diagnostiquées. Je pense que j'avais plusieurs signes, mais pas forcément évidents comme "traits autistiques" à cette époque.

Je crois que l'enfant que j'étais, était bien différente de l'adulte que je suis devenue...

Je reste la même personne et je me sens toujours 'à part' mais je crois avoir fait beaucoup de progrès sur différents points.


ENFANCE


Aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours sentie très différente.

Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours eu du mal à exprimer mes ressentis verbalement.

Il y avait une distance qui me séparait des autres, du monde. Cette distance 'empêchait de nouer le contact avec un certain nombre d'enfants. Parfois, j'arrivais à échanger avec certains, mais j'avais l'impression que les autres avaient comme un instinct pour rentrer en communication ensemble, que je n'avais pas... Cela était fort, très fort, si fort que j'ai pensé pendant de longues années qu'en réalité j'étais particulièrement bête, car il y avait beaucoup de choses que je ne comprenais pas. Si mes frères regardaient un film, je ne comprenais pas grand chose à ce qu'il se passait. Si je demandais, ils me répondaient « t'as qu'à suivre !». Je préférais abandonner... Cette véritable sensation d'être bête était très inquiétante pour moi et cela me faisait d'autant plus redouter mon contact à autrui. Je préférais n'en parler à personne, parce que je ne savais pas comment le faire ; et parce que j'avais honte...


Pourtant, à l'école, j'étais plutôt douée. Je pensais que le fait que je sois en réussite scolaire me permettait de masquer mon évidente inintelligence. C'est entre autre pourquoi je ne supportais pas d'avoir une « mauvaise note » ( c'est à dire en dessous de 14). Cela me déclenchait une grande détresse car cela signifiait que je n'avais même plus le scolaire pour me 'rattraper' de ma bêtise patente...

Le fait d'être en réussite scolaire m’interrogeait tout de même... Comment pouvais-je être si douée à l'école et si nulle avec les gens ? Pourquoi à l'école on apprenait des choses que nous n'avions pas vraiment nécessité d'apprendre selon moi car elles étaient tout simplement évidentes, logiques (comme les mathématiques) alors qu'on apprenait pas comment faire pour se faire des amis, comment regarder les gens etc (et par la suite, on n'a jamais appris non plus à l'école comment remplir les papiers administratifs...!) ?

A un moment donné, j'avais développé la théorie selon laquelle c'était des choses que nous devions apprendre mais ne pas en parler... puisque personne ne parlait de cela... Je pensais que tout le monde se posait la question, mais qu'il ne fallait pas en parler puisque personne n'en parlait. Et encore une fois, de toutes façons, comment exprimer cela...


Ainsi, je ne comprenais pas les autres. Je ne pouvais pas comprendre leurs pensées et actions. Je ne pouvais pas me mettre à leur place. Je ne pouvais pas savoir comment ils allaient réagir. Je n'avais pas tellement d'empathie humaine pour des choses que je ne comprenais pas forcément. Je ne pouvais pas comprendre le point de vue des autres. J'étais particulièrement proche des animaux et très touchée par la souffrance animale. Sinon, j'étais plutôt centrée sur moi. Mes frères m'ont souvent dit que j'étais « égoïste » et « égocentrique ».


Les années ont passées.

Dans mon enfance, j'ai tout de même eu quelques copines, peu nombreuses.


ADOLESCENCE


Lors des années collège, je me suis retrouvée très seule... Avec une meilleure amie pour autant. Les relations entre collégiens étaient vraiment très mystérieuses. J'étais vraiment très en décalage. Je ne connaissais pas les 'people' du moment, je ne connaissais pas les marques de vêtements à porter, je ne souhaitais pas avoir de relation amoureuse (je ne me sentais pas du tout prête pour cela). Je ne ressentais pas réellement le besoin d'avoir des amis mais je n'étais vraiment pas à l'aise au collège. En revanche, j'avais besoin de pouvoir être en contact avec les animaux et dès que cela se produisait, plus rien d'autre ne comptait. A l'époque, je réalisais très sporadiquement un journal intime. J'y parle quasiment exclusivement d'animaux. Intérêt spécifique, quant tu nous tiens...


Ces années de solitude m'ont laissé le loisir de beaucoup observer. Puis à partir de 16 ans environ, mon rapport aux autres a commencé à changer. J'observais les gens qui avaient l'air de prendre du plaisir entre eux ; ma meilleure amie s'était faite de nouveaux amis. J'étais davantage seule et cela m'attristait quand même un peu (et me faisait honte, encore une fois...).

A force d'observation, puis plus tard de philosophie, de lecture d'ouvrages psy et de communication, à force de persévérance dans ma volonté d’intégration j'ai commencé à parvenir à rentrer davantage en relation avec les autres. Cela ne s'est pas fait du jour au lendemain. En outre, mes rapports aux autres sont restés particuliers mais j'ai commencé à réussir davantage à m'intégrer parfois à de petits groupes de gens. Je crois que même si je n'ai jamais été la meilleure amie de personne après l'âge de 16 ans, j'étais tout de même appréciée car j'étais une personne plutôt gentille et je faisais des efforts énormes pour essayer de me mettre dans la peau d'une personne comme je pouvais en voir autour de moi (efforts énormes de compréhension d'autrui et efforts aussi d’auto-persuasion sur ma 'normalité' – depuis petite j'ai toujours essayé de me dire que mon sentiment de différence n'était qu'une vue de mon esprit et que tout le monde avait ce sentiment). J'ai l'impression qu'à ce moment j'ai commencé à pouvoir dire que j'avais des 'potes', même si je voyais bien que je n'arrivais tout de même pas à construire des amitiés de la même manière que les autres. Ces personnes qui s'appellent pour discuter ; ces personnes qui se prennent dans leurs bras quand elles se voient ou quand elles sont contentes, ces personnes qui se confient entre elles sur leurs joies et leurs détresses etc Je restais plutôt loin des coups de fils et encore plus loin des étreintes et des confidences... Je ne savais pas faire tout cela. Mon intégration avait ses limites car je ne pouvais pas voir les gens autant qu'ils se voyaient entre eux, ne serait-ce que parce que je n'avais rien d’intéressant à raconter, que j'étais inculte dans bien des domaines, que je me fatiguais très vite... Pour autant j'étais heureuse, et surtout tellement fière d'avoir enfin un peu l'impression que je commençais à comprendre les autres, que je commençais à comprendre comment rentrer en contact avec les gens ! Même si je ressentais toujours cette distance, même si à chaque fois que j'arrivais dans un groupe de nouvelles personnes les choses restaient très compliquées pour moi, j'avais l'impression que ça ne se voyait pas trop... Aussi, j'observais beaucoup et il m'est arrivé de remarquer d'autres gens discrets et pas très à l'aise. Ca contribuait à me rassurer (dans une certaine mesure seulement car ces gens, malgré leur timidité, parvenaient à se faire de réels amis ; pourquoi dans mon cas il y avait toujours cette distance... ?). Pour autant, certaines choses me rappelaient à ma différence... On m'aimait bien aussi parce que je faisais rire, sans le vouloir... On m'affublait de petit surnoms pour signifier ma « lenteur orale » (on m'en a même attribué un oscar à la fac... !), ou encore mon décalage, le fait que j'étais toujours « à côté de la plaque » comme on me le disait. Ce n'était pas méchant et cela me servait à voir ce qui pouvait encore sembler bizarre chez moi aux yeux des autres, ce qui me permettait de travailler dessus.

Je n'ai pas tout résolu, loin de là, mais par exemple, je pense qu'aujourd'hui je ne suis plus lente à l'oral !

Je voyais bien également que même si je commençais à savoir me faire des 'amis', je n'arrivais pas à les garder. L'amitié implique certaines choses que je suis bien incapable de tenir sur le long terme... Je continuais à avancer, en essayant de ne pas me lamenter sur mes difficultés, de toujours faire un maximum d'efforts d'intégration, de mimétisme, même si cela me coutait beaucoup.


AGE ADULTE


Plus tard, dans mon travail d'enseignante, j'ai eu 2 collègues extra-ordinaires. Je ne m'étais jamais aussi bien entendues avec des collègues, certainement parce que ces collègues étaient des personnes passionnées par leur métier (comme moi, même si l'enseignement est très difficile, il est passionnant) et qu'on parlait quasiment exclusivement de travail, ce qui me convenait donc très bien. On travaillait en établissement spécialisé. Je n'ai jamais passé autant de temps avec des collègues (que je vois d'ailleurs encore aujourd'hui de temps à autre). Et pourtant, un jour, une élève s'est mise à me faire un scandale en classe parce qu'elle avait l'impression que j'étais « toujours à part », que mes collègues ne m'incluaient pas, qu'elles allaient manger ensemble mais que moi je n'y allais pas en même temps qu'elles, qu'elles partaient souvent ensemble et sans moi, qu'elle les croisait en ville ensemble toujours sans moi, etc... Elle n'arrêtait pas de me dire toutes les situations qu'elle avait observé... Je me suis trouvée très mal à l'aise... J'ai tenté de lui expliquer qu'elle se trompait, que ça se passait très bien entre nous, que si je ne partais pas manger avec elles c'est que j'avais des choses à finir, que mes collègues venaient souvent me chercher (et c'est vrai et je trouvais cela sympathique de leur part car j'avais vraiment l'impression qu'elles avaient une volonté de m'intégrer) mais que je n'y allais pas toujours car j'avais des choses à faire, car on est tous différents... J'ai eu beau lui donner de nombreux arguments, elle ne démordait pas et renouvelait chaque jour ses crises sur le sujet... Cela m'a perturbé... beaucoup perturbé... cela m'a renvoyé à toute ma vie... cela m'a beaucoup interrogé... elle n'avait pas raison sur tout car je ne pense pas que mes collègues souhaitaient me mettre à part, loin de là, je pense qu'elles m'ont au contraire beaucoup intégré et qu'on a rarement fait autant attention à moi... Mais elle avait raison sur le fait qu'au final, j'étais « toujours toute seule » comme elle le disait... Il y a cette distance qui me sépare du monde qui est et qui demeurera toujours... Je ne savais pas quoi faire de tout cela car à cette époque, je ne connaissais pas le SA et donc je n'avais toujours pas de réponse à cette énigme... Par conséquent, ces propos m'ont rendu triste... J'ai décidé d'en parler à mes collègues. Je leur ai dit cela en disant que je pensais que ce qu'elle disait était faux, ce qu'elles m'ont confirmé. Pour autant, cette élève, continuait à m'en parler régulièrement. C'était une élève qui m'appréciait je crois et elle me disait que ca la rendait triste de voir que j'étais « toujours toute seule » parce que j'étais « gentille » et que ce n'était « pas juste »... Si une partie de ce qu'elle disait était de la paranoïa (le fait que je sois rejetée par mes collègues), cela reposait tout de même sur un fond de vérité : je suis à part... Et malgré tous mes efforts, je crois que cela était, est et restera...


Ainsi, j'ai donc bien évolué et de 1er abord, mon autisme ne se voit pas. Pour autant le fond reste bien identique. Lorsque j'étais enfant, cette différence me rendait triste et entrainait une très mauvaise estime de moi... Aujourd'hui ce n'est plus le cas. Je sais d'où vient cette différence, et cette dernière ne me rend pas « nulle » pour autant. C'est pourquoi mon diagnostic a été quelque chose de très important pour moi car il m'a permis de donner du sens à beaucoup de choses dans ma vie et à regagner en estime de moi.

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