L'autiste, le sans-papier et les polémiques

Par Weirda

 

Dernièrement, quelques articles ont donné lieu à des polémiques, notament celui de Super Pépette ou celui de Pourquoi t'es grosse madame? . Je crois que ces polémiques sont souvent liées à de mauvaises interprétations, à des incompréhensions. Dans cet article, je reprends quelques uns de ces points de polémique et d'autres idées, dans un but d'éclaircissement et d'apaisement... J'espère que je n'aurais pas trop mal formulé les choses et que ceci ne déclenchera pas à nouveau une nouvelle guerre facebookienne... 

 

1/ EST-IL POSSIBLE DE VOIR L'AUTISME SOUS UN ANGLE POSITIF ? OUI, MAIS...

 

En créant le site autisme regards croisés, nous souhaitions entre autre montrer que l'autisme était différent pour chacun. Pour cela, nous y avons mis des témoignages de diverses personnes autistes diagnostiquées et de nous-même, des vidéos, des blogs, des films, des témoignages de professionnels etc.

Je crois qu'il est important que l'autisme soit mieux connu, et c'est ce que nous essayons de faire avec ce site.

Je crois qu'il est important aussi de montrer l'autisme sous un angle positif, mais attention, cela ne veut pas dire que l'autisme, « c'est cool » !! Car non, l'autisme au quotidien, rend beaucoup de choses difficiles et ce n'est pas cool du tout..!!. Cela a pu conduire beaucoup d'entre nous à une très mauvaise estime de nous même en bien des circonstances, voyant que nous n'étions pas capable des mêmes choses que tout le monde. Cela peut aussi plonger des parents dans un profond désarrois, dans de nombreuses inquiétudes vis à vis de leur enfant autiste car ils n'ont pas de réelle solution pour lui, pas d'aide etc. Voir l'autisme sous un angle positif, ça veut dire donner le droit à la différence, ça veut dire faire une place à l'intégration de tous dans la société, ça veut dire comprendre que la différence n'est pas synonyme d'infériorité mais plutôt de richesse... Je parle de l'autisme mais je parle de beaucoup d'autres conditions... Pour avoir travaillé en IME, je sais qu'un enfant déficient peut nous apprendre et transmettre beaucoup de choses, à commencer par la dose d'humanité dont certains rayonnent. Cela signifie que la personne différente apporte quelque chose au monde, que toute personne apporte quelque chose au monde.

Il y a une jolie vidéo sur le sujet :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MAIS attention, cela ne signifie pas que c'est 'facile' ou 'cool' d'être déficient, autiste, trisomique, paraplégique etc ; cela ne signifie pas que les difficultés n'existent pas!!!!

Et oui, il ne faut pas oublier que le monde des bisounours, c'est à la télé !!! Parce que de mon côté, j'en ai marre de voir des personnes s'offusquer, lorsqu'on parle des aspects négatifs, des difficultés dans l'autisme... J'en ai marre et cela me met en colère. Personnellement, j'ai été diagnostiquée sur le tard, et pendant mon enfance et mon adolescence, j'ai souffert de mon autisme. Je pense que je suis loin d'être la personne qui a le plus souffert et j'ai aussi de la chance de m'en être bien tirée grâce à certaines de mes aptitudes et grâce au soutien de ma famille. Mais tous les autistes n'ont pas cette chance. La réalité de certains autistes et de leur familles est bien loin d'être aussi 'cool' que certains s'imaginent... Personnellement, j'ai les boules lorsque je vois des personnes dire « il faut arrêter de voir l'autisme comme un fardeau». J'ai juste l'impression que ces personnes n'ont aucune connaissance de l'autisme et je trouve que ces propos frôlent l'indécence lorsque je vois qu'à côté de cela, des mamans se font retirer leurs enfants, parce qu'ils sont autistes, et que la justice pense qu'elle sait mieux que tout le monde ce qu'il faut pour ces enfants, lorsque des parents se battent au quotidien pour avoir le droit à l'éducation de leur enfant autiste etc.

Venons en alors au point numéro 2...

 

2/LE PAPIER FAIT IL L'AUTISTE ? NON, MAIS...

 

Des personnes pensent donc que l'autisme n'est pas un fardeau ; certaines d'entre elles pensent par ailleurs qu'elles sont elles même autistes, parce qu'elles ont parfois été rejetées, parce qu'elles ne supportent pas le bruit, parce qu'elles ont du mal avec les gens, parce qu'elles ont des passions, parce qu'elles sont très rigides face au changement etc.

Alors que les chose soient claires : il y a BEAUCOUP de personnes qui ont été rejetées, qui ne supportent pas le bruit, qui ont du mal avec les gens, qui ont des passions et qui sont rigides et qui ne sont PAS autistes. En réalité, comme le montrent des études scientifiques récentes (comme celle-ci : « Autism spectrum traits in normal individuals: a preliminary VBM analysis », les traits autistiques se distribuent dans la population. En réalisant une présentation sur l'autisme auprès de mes élèves de segpa, nous avons pu constater que chacun pouvait avoir certains traits ; mais je n'ai pas une classe d'autistes, loin de là : une seule d'entre eux était autiste...

 

 

3/MAIS ALORS, QU'EST-CE QUI DIFFÉRENCIE UNE PERSONNE AUTISTE, D'UNE PERSONNE NON AUTISTE ?

 

Ca va être la multiplication de ces traits et l'intensité de ces derniers. Les limites du continuum ne sont pas mathématiquement définies et les frontières sont floues. Or ceci n'est pas l'apanage de l'autisme. Je suis actuellement des études de psychologie et nous voyons bien que pour d'autres 'pathologies' (je sais que le mot ne plaira pas à certain mais je ne vais pas allonger le débat ici...), il en est de même. Voici un article scientifique traitant de ce sujet : "Disorder in the Proposed DSM-5 Classification of Personality Disorders". Par exemple, beaucoup de monde peut avoir des petits TOCS, mais les personnes diagnostiquées comme ayant des TOCS le sont parce que cela a un impact important sur leur quotidien. Tout le monde peut avoir une petite dépression à un moment donné, cela ne rend pas la population entière dépressive etc. Bref, j'espère que vous m'avez suivi et compris.

 

4/ DU COUP, EST-IL POSSIBLE DE S'AUTO-DIAGNOSTIQUER ? NON, MAIS...

 

Je n'aime pas le mot « auto-diagnostic ». Personnellement, je crois qu'on ne peut rien s'auto-diagnostiquer. On peut trouver nous même des pistes sur des choses qui peuvent nous concerner, on peut penser que..., on peut s'interroger mais ON NE PEUT PAS établir de diagnostic soi-même (d'ailleurs, une autre personne ne peut pas plus établir de diagnostic sur nous si elle n'est pas professionnelle!). En effet, un diagnostic, que ce soit pour l'autisme ou pour quoi que ce soit d'autre, est généralement quelque chose d'un peu poussé, demandant des tests divers, et nécessitant un regard extérieur. Certes, nous pouvons avoir déjà réalisé un long travail sur nous-même, avoir une bonne connaissance de nous même, avoir du recul sur certains aspects de notre personne mais nous ne sommes pas à l'abri de passer à côté de quelque chose, loin de là. Ma cousine, pédiatre, me disait qu'elle emmenait sa fille chez la pédiatre. Ma tante, médecin, emmenait parfois ses enfants chez le médecin. Ma mère était kiné mais ce n'est jamais elle qui m'a soigné. Pourquoi ? Si on demande leurs avis à ces personnes, elles vous diront que l'on manque de recul lorsque cela nous concerne de trop près. Je crois que dans une démarche diagnostique, il est primordial que les professionnels prennent l'avis de la personne, tiennent réellement compte de cette personne. Mais il est aussi primordial que la personne prenne l'avis d'un professionnel, connaissant bien le sujet. Donc, à mon sens, on ne peut pas parler de diagnostic sans confrontation à un professionnel, d'autant que le professionnel, lui, connait l'autisme mais un certain nombre d'autres pathologies, que ne connait pas forcément la personne en recherche. En effet, en psychologie/psychiatrie, lorsqu'un diagnostic est établi, le professionnel réalise un diagnostic différentiel dont le but est de faire la part entre les différents diagnostics possibles. Or une personne qui s'auto-diagnostique a rarerement les différents éléments et le recul qui lui permettraient de prendre en compte d'autres possibilités. Par ailleurs, lorsque les personnes cherchent ce qu'elles ont, c'est parfois parce qu'elles sont en souffrance et je crois qu'une personne en souffrance manque d'autant plus de recul sur elle-même... Il peut aussi arriver que certains aient un autre diagnostic mais ne l'acceptent pas , par exemple parce qu'il nécessite la prise de médicaments ou autre et préfèrent penser qu'ils sont autistes.

 

Alors certains rétorquent :

- oui mais le diagnostic, ca coute cher !

Faux : le CRA, c'est gratuit...

 

- oui mais le CRA, il y a trop de délai !

Vrai, il y a bcp de délai en CRA... Patienter un ou deux ans, ca peut etre dur à supporter, mais au final, si ça peut répondre à des années de questionnements et donner des pistes pour etre mieux, on le supporte...

 

- oui mais ils n'y connaissent rien!

Vrai et faux: tous les "à priori professionnels" de l'autisme n'ont pas forcément toutes les connaissances auxquelles nous pourrins nous attendre et en effet, tous les CRA ne se valent pas, mais certains ont d'excellents professionnels, connaissant très bien le sujet; et si vraiment vous avez de mauvais échos du CRA de votre région, il y a toujours la possibilité de faire uen démarche dans le privé, avec un psychiatre spécialisé (qui sera donc partiellement remboursé)

 

Ensuite, j'ai lu que certains ne voulaient pas se faire diagnostiquer car ils auraient peur des répercussions... Un diagnostic est confidentiel et n'est donné à personne d'autre que la personne elle-même ou à son médecin etc. En aucun cas il ne peut etre donné au travail, à la femme, au mari etc, sans que la personne en question ne soit d'accord ! Je crois donc que le problème est pris à l'envers : c'est à la base l'autisme qui a des répercussions sur notre quotidien, c'est ce qui nous amène au diagnostic, et le diagnostic peut nous aider à diminuer les répercussions de notre autisme sur notre vie par certains aménagements.

 

D'autres n'ont 'pas besoin'... Je pense sincèrement que pour certains, s'ils n'en n'ont pas le besoin, c'est peut-être qu'ils ne sont simplement pas autiste (car, comme dit précédemment, les traits autistiques se distribuent dans l'ensemble de la population, de manière plus ou moins importante), et je dirais TANT MIEUX pour eux ! C'est une chance, ne l'oubliez pas ! En revanche, d'autres peuvent ne pas avoir besoin de diagnostic pour des raisons diverses qui leur sont propres.

 

 

5/ Y A T'IL UNE CISSION ENTRE DIAGNOSTIQUÉS/NON DIAGNOSTIQUÉS ? NON !!

 

La question/le problème n'est pas d'avoir ou non de diagnostic, le problème c'est la notion d'intégrité, qui nous est chère, à nous autistes. Certaines personnes, je ne sais pas si leur but était justement de 'diviser pour mieux régner' ou s'il s'agit d'incompréhension ou d'une souffrance mal extériorisée, ont eu pour volonté de dire qu'en gros, les autistes diagnostiqués rejetaient les autistes non diagnostiqués, ce qui est totalement faux !!!

Personnellement, si j'ai entamé une démarche diagnostique, c'est parce que deux personnes autistes diagnostiquées ayant des blogs bien connus m'y ont encouragé. Elles ne m'ont JAMAIS rejeté, même lorsque je n'avais pas de diagnostic, bien au contraire !! Pour la première fois, je parlais à des personnes qui me comprenaient et m'intégraient déjà comme une des leurs. Il n'y a donc ni la « ségrégation », ni le « communautarisme » décrié par certains qui veulent probablement causer du tort plus qu'autre chose puisque je continue à voir sur facebook, des posts ou des articles de blogs visant à décrédibilser les personnes qui ont voulu simplement alerter sur le fait que nous, autistes, pouvions facilement être berné par notre crédulité... Nous les autistes, nous aimons bien que les choses soient claires, transparentes, honnêtes... C'est la seule chose à laquelle nous aspirons lorsque nous alertons sur certaines choses. Que l'autre soit autiste ou non, cela nous importe peu du moment que cette personne est honnête sur ce qu'elle est/cherche. Certaines personnes, qui se pensent autistes, vont décréter qu'elles le sont, parler en tant que personne autiste, et peuvent peut etre induire en erreur d'autres personnes en recherche, ce que je trouve dangereux...

 

 

6/ EST-CE QUE CELA VEUT DIRE QUE SEULS LES AUTISTES PEUVENT PARLER DE L'AUTISME ? NON !

 

Tout le monde peut parler de l'autisme, DES autismes, tant que l'on précise qui l'on est... Un autiste peut parler de lui, de son autisme, de sa manière de voir l'autisme, un parent peut parler de son enfant autiste, peut le défendre (et heureusement que certains parents sont là!) ; un professionnel peut parler de l'autisme, de ce qu'il voit chez les patients qu'il rencontre ; un non autiste peut parler de l'autisme parce qu'il s'y intéresse ou parce qu'un de ses proches est autiste. Si nous avons appelé ce site « autisme regards croisés » c'est parce que nous voulions des témoignages de personnes différentes (autistes, pro, famille etc) , chacun apportant son point de vue, pouvant enrichir celui de l'autre

 

En conclusion je dirai donc que qui que vous soyez, si vous souhaitez parler de l'autisme et défendre les personnes autistes, c'est une bonne chose car je crois que l'union et le nombre font la force, mais il ne faut jamais oublier que 1/ l'autisme reste un handicap et que 2/ pour être crédible, il faut être honnête

 

 

 

ps: lorsque je dis « nous les autistes », c'est parce qu'il s'agit d'un trait qu'on retrouve souvent chez les autistes, mais cela ne veut pas dire que je parle au nom de toutes les personnes autistes.

 

pps: j'exprime un AVIS, MON avis, et non des vérités absolues... Libre à chacun d'interpréter et de déformer mes propos si cela lui apporte satisfaction ou de chosiir de les prendre simplement pour ce qu'ils sont...