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Les TSA (troubles du spectre autistique) dans le cursus de formation universitaire de psychologue en France

 

 

et connaissance des TSA par la communauté médicale/paramédicale

 

Interview de Audrey Farge, psychologue spécialisée dans les TSA

 

Présentation brève :

 

Depuis combien de temps travaillez-vous avec des personnes TSA et qu'est-ce qui vous a donné l'envie de travailler avec ces personnes?

 

Cela fait presque 8 ans que je travaille auprès de personnes TSA. Ma passion pour ce domaine m'a été transmise par la présidente de l'association où j'ai exercé mais aussi par la cause elle-même. J'ai rencontré des centaines de familles, j'ai été face à des professionnels qui se tenaient comme des murs. Mon caractère rentre dedans et mon investissement m'ont permis d'aider énormément de gens. Les TSA , et plus précisément le Syndrome d'Asperger, sont devenus une passion pour laquelle j'ai envie de me battre.

 

 

 

L'autisme dans le cursus de formation universitaire de psychologue en France et sa vision par la communauté médicale/paramédicale:

 

De quelle formation initiale avez-vous bénéficié au sujet des TSA lors de vos études de psychologie en France ?

Quel est votre parcours en tant que psychologue ?

 

Je dirais que je n'ai rien appris à l'université sur les TSA. J'ai fait mes études de psychologie à l'université de Paris 7. Cette université étant surtout psychanalytique, il n'y a pas de place pour l'autisme. J'ai souvenir d'un cours en dernière année durant lequel j'ai pu étudier la vision qu'avait la psychanalyse sur l'autisme.

Je me suis spécialisée en psychopathologie de l'enfant et l'adolescent. Dans les débuts je pensais me diriger vers la prise en charge des personnes ayant une atteinte physique génétique ou accidentelle, j'avais d'ailleurs déjà quelques expériences dans ce domaine.

 

Lors de mon stage de Master 1 j'ai intégré une association spécialisée au Syndrome d'Asperger et à partir de là, ma vision a changé. J'ai appris énormément là-bas durant mon stage.

Je me souviens que nous avions des séances à la fac durant lesquelles nous devions raconter nos stages. Je précise que je ne parlais pas de mon stage car il était purement basé sur des prises en charge comportementales ce qui n'allait pas avec l'esprit de mon université. Lors d'une de ces séances, ma professeur, elle-même psychologue, m'a donné la parole. J'ai donc informé que je travaillais auprès de personnes Asperger. La grande question a été « Qu'est-ce que c'est ? ». J'ai commencé à expliquer que c’était un trouble du spectre autistique. Ma professeur m'a gentiment répondu « Ca doit être dur de voir ces enfants qui se jettent dans les murs »... Autant dire que ce jour là j'ai compris que le Syndrome d'Asperger était mal connu voir inconnu...

Durant mon Master 2 je suis restée bénévole à l'association Asperger. Dés que j'ai eu mon diplôme je me suis sauvée de la psychanalyse et j'ai intégré à temps plein l'association. A partir de là, j'ai été formée et je me suis mise à former et défendre des familles. J'ai animé des groupes de compétences, tenu des prises en charge individuelles, de fratrie, effectué des guidances parentales, formé des AVS (en parallèle de mes études et de mes stages, j'avais été 3 ans AVS en CLIS) et mis en place diverses pôles tel celui touchant à la sexualité des Asperger. Depuis, j'accompagne des Asperger et autistes de haut niveau.

 

Durant ces deux dernières années j'ai été formée à la prise en charge d'enfants autistes plus profonds et non verbaux.

 

 

 

Perception de l'autisme par les professionnels, en France et à l'étranger

 

Les personnes TSA et/ou leurs familles ont souvent l'impression de se heurter à un manque de connaissances et de compréhension des professionnels de manière générale. Etes-vous d'accord avec cela ?

Comment pensez-vous que les TSA sont perçus en France à l'heure actuelle par les professionnels (vos collègues psychologues, psychiatres, les médecins généralistes...)?

Pensez-vous que les TSA sont généralement bien connus de ces derniers?

 

Depuis des années, la même question m'est posée par les professionnels que je rencontre « C'est quoi le Syndrome d'Asperger ? ». Beaucoup considèrent les TSA comme une seule forme d'autisme. Il n'y pas toujours de différenciation des niveaux et de la forme d’autisme que présente la personne en face. J'ai rencontré il y a peu des jeunes psychologues : elles ne connaissaient rien sur l'autisme. A ce jour je forme des orthophonistes qui sont démunies car elles ne comprennent pas l'enfant qu'elles ont en face d'elle . Je ne rentrerai pas dans le débat du système scolaire car il y aurait beaucoup à dire entre l'absence de formation des AVS, la non prise en compte des difficultés des enfants par les professeurs et cette facilité que l'éducation nationale a à sortir les personnes TSA du système « normal »...Il y a peu, j'ai encore eu des retours de familles, m'expliquant que le pédopsychiatre de leurs enfants ne connaissait pas le Syndrome d'Asperger.

Je n'aime pas juger mais je peux remarquer qu'en France trop de professionnels sont fermés aux TSA comme trouble neurologique et de ce fait beaucoup de familles perdent leur temps dans des prises en charge non constructives. Il y a un retard et très certainement beaucoup de mauvaise foi de la part de certains professionnels du médical et du para-médical.

 

 

Est-ce que dans d'autres pays comme l'Australie, les Etats-Unis, ou le Canada, l'autisme est généralement mieux connu par les professionnels ?

 

J'ai, dans mon parcours, rencontré des professionnels venant du Canada, j'ai d'ailleurs suivi leur formation. Ils sont beaucoup plus avancés et efficaces que nous. Idem aux Etats Unis. J'ai été à plusieurs colloques et rencontres où les témoignages montraient très clairement que la considération et l'accompagnement des personnes avec TSA sont bien meilleurs là bas. L'aspect financier aussi semblait plus simple.

 

 

Est-ce que le fait d'avoir cotoyé I. Henault et T. Attwood vous a apporté un nouveau regard sur l'autisme par rapport à votre formation initiale ?

 

Oui ! J'ai surtout travaillé avec Isabelle Henault. Elle m'a appris énormément sur le Syndrome d'Asperger et sur la sexualité des personnes avec TSA. Je suis fière de pouvoir travailler selon leurs méthodes qui fonctionnent. Ces professionnels investis dans le domaine du TSA sont une richesse pour nous en France. On a beaucoup à apprendre.

 

 

Selon vous, comment pourrait-on améliorer la connaissance des TSA en France, chez les professionnels et auprès de la population ?

 

En tant que psychologue je déplore la scission qu'il y a entre psychanalyse et comportementale car les jeunes psychologues à venir seront aussi ignorants que les anciens. Il existe beaucoup de formations mais cela reste très cher et pas à la portée de tous. De plus j'ai constaté beaucoup de « guéguerres » entre les associations. Si on veut faire bouger et améliorer il faudrait que tout le monde marche sur le même pont plutôt que de chercher à être individuel. Car dans cette histoire ce sont les familles et les personnes autistes qui souffrent.

 

 

Est-ce que la France pourrait s'inspirer de certains pays étrangers pour l'intégration et la prise en charge des personnes TSA ?

 

Je pense que le Canada et les Etats-Unis sont des exemples.

 

 

 

Situation actuelle des autistes en France

 

Actuellement, les personnes TSA en France rencontrent généralement beaucoup de difficultés pour se faire reconnaître et pour s'intégrer. A titre d'exemple, les parcours diagnostiques peuvent souvent s'avérer longs et difficiles, les enfants avec TSA sont encore souvent rejetés du système scolaire ordinaire, l'intégration au travail de personnes Asperger est souvent difficile malgré des compétences certaines.Que pensez-vous de la situation des personnes autistes en France à l'heure actuelle : quels sont les problèmes majeurs ?

 

L'ignorance des professionnels, les prises en charge inadaptées, le coût des suivis qui n'aident pas à améliorer la vie des personnes avec TSA. L'attente qu'il y a pour faire les diagnostics est en effet honteuse. Lorsqu'on sait qu'une psychologue peut faire un bilan mais que celui là ne sera pas reconnu par la MDPH tant qu'un psychiatre ne l'aura pas signé, on perd du temps car tous les psychiatres ne connaissent pas les divers TSA . Je pense que l'ignorance est au cœur de toutes les incohérences autour des TSA.

 

 

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