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Le verdict                              Par Gérald

   

« - Tu sais, ce pays est chouette. Je n’arrive pas à comprendre ce qui a mal tourné. – Tout le monde a la trouille (…) Ils pensent qu’on va leur couper la gorge. Ils ont peur. – Ils n’ont pas peur de toi, ils ont peur de ce que tu représentes. – Tout ce qu’on représente pour eux, c’est des cheveux trop longs. – Ce que tu représentes pour eux, c’est la liberté. – La liberté, c’est ce qui compte. – C’est vrai, il n’y a que ça qui compte. Mais, en parler et être libre, ce n’est pas la même chose. C’est dur d’être libre quand on est un produit acheté ou vendu sur le marché. Ne leur dis jamais qu’ils ne sont pas libres ; ils se mettraient à tuer, à massacrer pour prouver qu’ils le sont. Ils vont te parler tout le temps de liberté individuelle. Mais, s’ils voient un individu libre, ils prennent peur. – Non, ça les rend dangereux. »

Easy Rider

                                                                                        

                           

J’ai testé pour vous les centres de diagnostic des troubles du spectre de l’autisme en Île de France.

Mes traits autistiques sont indéniables, pourtant au-delà du bilan que l’on m’a fourni, le fait que j’en retiens est l’incompétence et l’ignorance des professionnels concernant les différents niveaux, les différents échelons du spectre de l’autisme, du continuum autistique. Autrement dit si vous ne vous situez pas à l’un des deux bouts des extrêmes, soit des autismes déficient intellectuels enfermés dans leur monde ou des autistes de type génie, eux aussi enfermés dans leur monde, vous aurez les plus grandes peine du monde à obtenir un diagnostic complet.

 

Pour autant, ce diagnostic n’est pas une fin en soi. S’il est indéniable qu’il puisse former une pierre angulaire dans les fondations d’une potentielle reconstruction et acceptation de soi,

il appartient à chacun de chercher en son cœur et en son âme, ce qu’il est au plus profond de lui-même. Ces scientifiques demeurent pour l’instant incapables de nous identifier avec certitudes. Rappelons que les scientifiques n’ont jamais détenu la Sainte Vérité. Cela se saurait depuis le temps. Ce que nous savons aujourd’hui de source plutôt sûre est qu’il existe une neurodiversité beaucoup plus importante que ce que nous imaginions au départ et ce que cela soit dans le domaine de l’autisme, du haut potentiel intellectuel, du neurotypisme, et tout ce qui n’a pas encore de nom. Une des questions qui pourrait se poser est : Alors ? Tous malades ?

 

A la Salpêtrière, à moins que tu ne te mettes pas à te balancer de tous côtés, que tu ne répètes pas les mêmes mots huit fois de suite, que tu ne fasses pas des trucs très bizarres avec tes doigts ou tes mains, que tu parles à peu près normalement, il est préférable de ne pas s’y rendre. Le fait de s’entendre dire : « vous n’êtes absolument pas concerné par l’autisme mais vous avez une phobie sociale et une légère dépression » ne vous arrange en rien, bien au contraire, puisqu’en tant qu’autiste vous vous attacherez à ce que l’on a dit de vous, ou vous partirez en crise identitaire violente (le refus), ou vous deviendrez ce phobique dépressif (l’acceptation). Je le sais Madame La Juge puisque je l’ai fait et je le suis devenu. Voilà la raison pour laquelle je vous disais que Freddy est dangereux. Malgré ma volonté, malgré mes connaissances, le doute ne peut que s’insinuer et les bières s’engouffrer. Suite à mon passage à la Salpêtrière, j’ai en effet traversé une très sale période et augmenté ma consommation d’alcool par trois, toujours le soir, uniquement le soir. Je peine encore à m’en sortir. Comme tout le reste, j’y arriverai. Juste il me faut un peu plus de temps que les autres.

 

Quant à Créteil, si leur travail semble un peu plus approfondi, nous ne devons pas non plus nous attendre à des miracles. Nous ne devons surtout pas oublier qu’il s’agit avant tout d’un centre de recherche Asperger.

Le bilan qu’ils m’ont fourni contient la plupart des traits autistiques. Le fait qu’ils n’aient pas eu accès à mon enfance n’est en rien un handicap concernant le diagnostique, il s’agit simplement d’une excuse doublée d’une preuve d’ignorance.

Là encore, je me demande quel serait mon état psychologique, quel est l’état psychologique d’une personne de ma tranche autistique, ressortant de là avec un tel bilan ? « C’est bien possible que vous soyez autiste mais nous ne sommes pas sûr. Allez voir un psy et prenez des antidépresseurs. Merci au revoir ». Quel serait mon état psychologique si mon parcours diagnostique ne s’était pas doublé d’une quête spirituelle, si je n’avais pas lu tout ce que j’ai lu, si je n’avais pas rencontré tous ces gens qui m’ont soutenu, si je n’avais pas mené toutes ces expériences et donc acquis une très bonne connaissance de mon fonctionnement ?

Le Centre Expert Asperger de Créteil est un centre de recherche, il recherche donc des cobayes. Ces cobayes, ils les trouvent à l’aide d’un protocole, un protocole étant un ensemble de cases à cocher pour que l’étude puisse être validée (nous avons d’ailleurs pu observer leur façon de procéder). Pour faire vite et court, car le temps qui m’était imparti touche Madame La Juge à sa fin, si vous ne rentrez pas dans leur case, c’est « dehors ».

Ce protocole est biaisé de tous les côtés, ne serait-ce que par leur ignorance des différents niveaux du spectre de l’autisme (ce qui mine de rien représente un sacré biais, l’ignorance). Leur équipe est jeune et visiblement débordée, un brin blasée, un autre brin saoulée. Quoi

qu’ils en disent, quelle que soit la sympathie ou la compassion qu’ils affichent, nous ne sommes et restons que des numéros en haut d’un dossier.

Le compte rendu qu’ils m’ont remis est bourré de coquilles, ce qui indique qu’ils n’ont pas même pris le temps de se relire. Leur bilan, ou du moins sa restitution, sonne juste mais demeure superficiel. Leurs recommandations thérapeutiques signalent là encore un manque total de connaissances vis-à-vis des couches de l’autisme. Oui, oui, je conclus Madame La Juge. Il y a une expression chez moi pour résumer tout ceci : « C’EST DU GRAND N’IMPORTE QUOI ! ».

 

 

Recommandations ;

 

Retour en Paradoxie. Ce qui me frappe, voire me choque, c’est que nous nous présentons là pour faire un diagnostic ''psychiatrologique'', rien que ça, or tout le monde semble s’attendre à ce que nous soyons parfaitement zen, cool, relax. En réalité, ce qui m’a frappé, c’est de me sentir dans la peau du « Coupable » avant même d’avoir été entendu (excusez-moi de vous faire bosser les gars !). Vous vous présentez là et ce n’est absolument pas à eux de prouver votre autisme. Vous êtes là, assis face à eux, et c’est à vous de leur prouver que votre démarche est légitime et que vous êtres bien autiste. Leur but à eux est de vous prouver le contraire. Il y a eu autre expression en vigueur pour résumer cette inversion : C’EST UN TRUC DE DINGUE !

 

Le second paradoxe est celui-ci. Vous venez en leur demandant des solutions, des réponses, des propositions, qu’ils vous informent, vous orientent, vous expliquent. En réalité, vous comprendrez très vite, avant la fin de la première journée, que vous n’avez rien à apprendre de ces gens et qu’excepté, avec un peu de chance, vous coller une étiquette, vous n’avez rien à attendre d’eux. Bien au contraire, vous comprendrez très vite que c’est vous qui avez tout à leur apprendre.

 

 

Un bilan diagnostic d’autiste devrait commencer dès la première prise de contact. La secrétaire en charge de ce travail devrait recevoir une formation et elle devrait noter d’une façon ou d’une autre son ressenti quant au déroulement de la prise de rendez-vous. Un autiste adulte et certifié pesé validé devrait faire partie intégrante de l’équipe de façon professionnelle. Les différents tests neuropsy devraient être effectués et mesurés analyser avant la suite du diagnostic et non pendant. Plutôt que des questionnaires et des entretiens trucables et interprétable à souhaits, de véritables situations sociales devraient être mises en place. Que l’on ne me dise pas que cela couterait des fortunes et que nous n’avons pas le budget (les neurotypiques sont les bigboss des excuses à deux balles). Un autiste qui attend dans la salle d’attente est un autiste qui stresse, un autiste qui stresse ne peut contenir son autisme, c’est plus fort que lui. Il suffit alors de l’observer. Tu introduis un psy incognito là-dedans, ou l’autiste susmentionné faisant partie de l’équipe, et tu gagnes facilement deux heures d’entretien psychiatrique. Au préalable, il faut bien évidemment avoir

intellectuellement dépassé le fameux stade de la phobie sociale et reçu vingt minutes de formation. Mais en gros, ce n’est pas très compliqué. Soit l’autiste se balance, soit il fait des ronds, soit il compte des trucs, soit il est tétanisé (soit il court se planquer aux chiottes). En cinq minutes, vous avez Madame La Juge, plus d’indices sur sa zone autistique qu’en quatre heures d’entretien. Pour couronner le tout, une mise en situation sensorielle impromptue serait également la bienvenue (sonnerie de téléphone ou d’alarme, chaise bancale, petits triangles marron accrochés au mur, flash, mouvement, la liste est longue). Nous sommes actuellement très loin de ce niveau, très très loin du niveau recquis.

 

Et maintenant ? Le diagnostic ne peut représenter qu’une étape sur un parcours, sur une quête, celle de soi. Obtenir un diagnostique est comme vous venez de l’écouter, un véritable parcours du combattant. Cette histoire que je vous ai racontée a en réalité duré une année. Une année entière oui. Et vous savez quoi Madame La Juge ? J’ai eu énormément de chance. Pour autant, le jour où vous obtenez ce diagnostic, que vous soyez autiste ou non, ne change rien, ou pas vraiment. Car si effectivement vous l’êtes cela fait déjà bien longtemps que vous le savez. Qu’il forme une clé pour l’acceptation de soi est indéniable mais les problèmes, eux, restent exactement les mêmes, et compte tenu que nos chers scientifiques ne sont pas même capables de nous identifier avec certitude, je crois qu’il n’est pas nécessaire de s’embarrasser de la croyance qu’ils peuvent quelque chose pour nous. Peut-être certaines de leur proposition peuvent nous aider, nous accompagner vers une progression vers nous-mêmes, comme une psychothérapie avec une psychologue et non basée sur des substances chimiques, comme des groupes de paroles, des groupes d’habiletés sociales, des groupes de mise en commun du savoir, oui ce genre de pratique peuvent nous aider à progresser. Ceci est indéniable. En revanche, nous n’oublierons jamais que les autistes sont des cons comme les autres. Ainsi obtenir un diagnostic ne peut avoir comme finalité qu’obtenir une meilleure compréhension de soi-même, ne peut-être qu’un outil pour une meilleur connaissance de soi-même et continuer de travailler, toujours continuer de travailler, ne jamais s’arrêter, ne jamais s’arrêter, ne jamais s’arrêter, car la Vie est Mouvement. L’autiste est vivant.

Je vous laisse maintenant Madame, délibérer en paix, puis porter votre jugement.
Le combat continue.

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