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Dans la prison de ma boîte crânienne...

 

 

Il y a quelques mois, j'ai passé l'examen pour obtenir le diplôme d'enseignante spécialisée et à l'issu de cette journée, j'avais écrit le texte suivant:

 

"Un examen de 4h...

4h de torture...

2 fois 45 minutes devant les élèves et le reste devant les 4 personnes du jury...

 

Ce qu'il en est ressorti au final c'est que j'ai obtenu ce diplôme (que j'avais préparé en candidate libre); et l'inspectrice m'a félicité pour mon travail.

Elle m'a complimenté sur certains aspects ce qui m'a fait très plaisir.

Ainsi, je devrais être satisfaite... C'est ce que je dis autour de moi et d'un côté c'est vrai car j'ai obtenu le diplôme et c'était le but. Je n'en dis pas plus car le reste ne peut-être dit...

 

L'envers du décor n'est pas le même... Je suis totalement vidée....

Ces 4h d'oral ont été un véritable calvaire pour moi...

 

Deux choses sont insupportables dans ce genre de situation.

La première est que j'ai parfois beaucoup de mal à comprendre les questions qui sont bien souvent très larges... Je ne sais pas ce que l'on souhaite me faire dire ; cela me perturbe et me contrarie.

La deuxième c'est qu'il me semble impossible d'exprimer clairement ma pensée à l'oral sans le travailler avant.... Lorsque je passe un coup de téléphone, je 'répète' ce que je vais dire de manière précise. Lorsque je suis devant mes élèves, j'ai préparé ma leçon à l'avance ; si aujourd'hui j'arrive à 'improviser' certaines explications, en tout début de carrière j'avais énormément besoin d'écrire certaines phrases exactes que j'allais leur dire... Pour le reste, je me suis construit beaucoup de 'scénarios de vie'. Et parfois, comme là, j'écris ; car à l'écrit j'arrive à parvenir à un peu plus de justesse.

Cette impossibilité à sortir ce qu'il y a en dedans peut me plonger dans une profonde détresse... Ce soir j'étais en pleurs...

 

Il y a là tout de même deux cas.

Le cas, où, à défaut d'arriver à exprimer ma pensée, je préfère me taire... Ce n'est pas ce que je fais dans un oral, puisque je suis là pour parler, mais c'est ce que je fais au quotidien...Il y a bien des moments où j'essaye de construire dans ma tête ce que je veux dire au fil de la conversation afin de l'énoncer mais au moment de le faire, le sujet n'est parfois plus le même... C'est un effort que j'ai énormément fait entre 16 et 21 ans, période où je souhaitais vraiment me faire des amis, comme tout les gens autour de moi. Je demeurais néanmoins une personne assez discrète et ne parvenais pas à vraiment m'exprimer dans les conversations.

Le cas où, tentant désespérément d'exprimer ma pensée à chaud, tout se désorganise, tout s'embrouille et ce que j'exprime me semble inintelligible... Je dis « me semble » car en réalité, ce que je dis est compréhensible ; cependant, cela ne correspond pas à ce que j'ai dans la tête. Ce que je dis n'est pas incompréhensible mais ne permet pas la compréhension du fond de ma pensée, ce qui me donne cette impression d'inintelligibilité... Cela me procure une grande frustration et un sentiment de nullité... C'est le cas que j'ai vécu aujourd'hui et qui est à l'origine de mes larmes..."

 

Ce qui est curieux, c'est que lors des tests de QI, j'ai eu un très haut score au verbal (et c'est souvent les cas des personnes autistes de haut-niveau / aspergers). La dichotomie qui peut exister entre les aptitudes verbales dans l'absolu (connaissance de vocabulaire, compréhension...) et les aptitudes de communication chez les personnes autistes est interessante. Lors d'une conférence donnée par ma neuropsychologue, cette dernière parlait du fait que les autistes pouvaient rencontrer des difficultés dans leurs fonctions exécutives (pour faire simple les "fonctions exécutives désignent un ensemble assez hétérogène de processus cognitifs de haut niveau permettant un comportement flexible et adapté au contexte" source: wikipédia ; un petit paragraphe sur le site "Participate" sur les focntions exécutives et l'autisme). J'aurais tendance à penser que ce sont donc ces difficultés dans les fonctions exécutives qui peuvent entrainer certaines difficultés décrites dans ce texte (difficultés à organiser sa pensée lors de conversations).

 

Récemment, j'ai lu l'ouvrage de Gunilla Gerland, Une personne à part entière. Or, j'y ai retrouvé un passage où elle décrit quelque chose de très similaire à ce que je peux moi-même ressentir (p.191) et je constate qu'au final, elle opte pour la même 'stratégie' que moi: le silence...:

"Je ne savais pas quelle masse d'énergie tout ce que je faisais me coutait. Comme parler : pour y arriver il me fallait d'abord penser, presque écrire, les mots dans ma tête

« La difficulté d'établir la connexion entre la voix et la pensée faisaient que j'avais du mal à suivre dans la conversation en présence de plus de deux personnes. Ainsi, quand j'avais réussi à penser ce que je devais exprimer, et à commander à la voix de le dire, l'occasion de parler était le plus souvent passée.Car alors, quelqu'un d'autre en était déjà arrivé à se mettre à parler, ou même à changer de sujet de conversation. Il s'en suivait que j'en venais soit à interrompre quelqu'un, soit à garder le silence. Le plus souvent, j'optais pour le silence."

 

 

Par Weirda

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