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J'ai mal à l'élastique!

 

 

 

        Lorsque j'étais petite, je me rappelle une phrase qu'il m'est arrivé de dire à ma mère , parfois au bord des larmes : « j'ai mal à l'élastique !». En effet, mes petites culottes, munies d'élastiques, forcément, me serraient, me faisaient mal, parfois terriblement. Pour parer à cela, ma maman m'avait appris une 'technique' (est-ce ma mère ou est-ce moi qui avait découvert cela... je ne me souviens pas vraiment...) qui consistait à insérer le t-shirt porté dans ma culotte (plus tard, on m'achetait également des culottes avec un élastique seulement à la taille et relativement large pour éviter au maximum les désagréments). Ainsi, avec l'amorti du tissu, ma culotte me faisait moins mal ; ceci était également bénéfique pour l'élastique du pantalon, que j'avais du mal à supporter également, tout comme les étiquettes de ces derniers et m'évitait de plus tout courant d'air sur mes reins, chose que j'abhorrais. Je faisais donc « d'une pierre, 4 coups » ! Cependant, arrivée au collège, observant les autres filles dans le vestiaire du gymnase, je m'apercevais que j'étais la seule à faire cela et en déduisait par conséquent qu'il ne valait mieux pas que je le montre, la singularité ne faisant pas bon ménage avec la mentalité des adolescents... Le tee-shirt dans le pantalon passait encore mais dans la culotte...je ne souhaitais pas être la risée de tous. Alors, comme souvent dans ma vie, j'ai élaboré une stratégie de dissimulation de ma différence : je rentrais mon tee-shirt seulement dans mon pantalon, puis une fois aux toilettes, je reprenais ma tenue 'normale'. Plus tard, et comme il n'est pas évident de toujours se cacher, j'ai tenté, petit à petit, de ne plus rentrer mes t-shirts dans ma culotte. Les autres arrivaient bien à faire sans ; alors pourquoi pas moi ? Si cela était extrêmement désagréable au départ (j'ai commencé avec parcimonie), je crois pouvoir dire que je me suis 'désensibilisée' petit à petit. Dans une certaine limite malgré tout car encore aujourd'hui, je suis 'difficile' en choix de culottes et n'en porte qu'un seul type!

 

Ainsi, je crois faire partie de ces personnes très (trop?) sensibles sensoriellement, et aucun de mes sens ne semble épargné...

 

Au niveau du toucher, outre cette histoire, il est très fréquent que des choses me piquent, me grattent, me soient désagréables.

C'est pourquoi je ne porte quasiment que du coton, c'est pourquoi je continue à rentrer mes t-shirts dans mes jeans, c'est pourquoi je pouvais piquer des colères lorsque je partais en vacances l'été, assise entre les jambes velues de mon père et de mon frère – leurs poils me grattaient terriblement...

 

Mon 'hypersensibilité' existe également au niveau du goût et des textures. Je me dis que c'est joli d'appeler cela 'sensibilité'... Lorsque j'étais enfant, on ne disait pas que j'étais « sensible » mais on disait : « ce qu'elle peut être difficile ! » ou encore « elle aime rien ! ». Il est vrai que je n'aimais pas grand chose, à commencer par la viande quelle qu'elle soit... et moult autres aliments...Ce qui m'était le plus difficile était le changement de texture dans l'alimentation – un nerf, un petit morceau de gras, par exemple ; on me rappelait que ma maman, enfant, avait déjà une forte aversion pour « les petits durs » et « les petits mous ». Dès qu'un changement de texture se produisait sous ma dent, celui-ci me provoquait un haut le cœur/semi-vomissement (dans le réflexe moteur mais rien ne sortait généralement).

Calvaire des repas (par rapport à la nourriture, mais pas seulement). J'ai tant espéré qu'ils soient un jour remplacés par la prise d'une pilule...

Bénédiction du mixeur, à défaut de pilule, il peut faire passer certains aliments plus facilement.

A force de persévérance de mes parents, j'ai quelque peu diversifié mon alimentation, qui pour autant reste particulière... ( tant dans les choses que je peux manger, que dans la quantité de ce que je peux manger, qui ne correspond pas du tout à mon physique puisque je suis très fine et que les gens sont parfois étonnés de me voir ingurgiter des quantités gargantuesques de nourriture... ce qui n'était d'ailleurs pas du tout le cas lorsque j'étais enfant...).

 

Mon odorat est également assez sensible. Je ne crois pas forcément sentir mieux que d'autres personnes mais j'ai l'impression que les odeurs sont plus importantes pour moi que pour d'autres. Au quotidien, si je ne supporte pas certaines odeurs, je parviens à me boucher le nez assez facilement (sans les doigts). Ce qui me sert dans de nombreuses situations et qui me permet de gérer aisément les désagréments liés aux odeurs.

Les odeurs sont beaucoup plus compliquées à gérer dans mes relations de couple. Pour autant, ce n'est pas forcément que je trouve que certaines personnes sentent particulièrement mauvais, c'est surtout que leur odeur m'est désagréable et que je n'arrive pas à m'y faire. Ceci m'a fait mettre fin à plusieurs relations...

 

 

J'ai également une sensibilité auditive assez importante. Ainsi, j'aime être au calme (d'autant que je supporte déjà beaucoup de bruitS au travail - je suis enseignante)

 

Là où je me sens le mieux, c'est lorsque je suis chez moi, dans le silence, dans une odeur neutre pour moi, dans cet espace visuellement agréable car c'est moi qui en est construit l'ordre.

 

Ailleurs, je suis souvent agressée et très vite submergée.

 

Pourtant, cela fait peu de temps que j'ai identifié le fait que c'était cette hypersensibilité sensorielle qui pouvait me causer bien des soucis parfois. Je ne pouvais comprendre le mécanisme faisant qu'après une soirée, ou après avoir fait des courses, je pouvais littéralement m’effondrer. En effet, lors de telles circonstances, je sentais rapidement de la confusion, une oppression, que je m'efforçais de gérer, de supporter, de contenir tant que j'étais en public et qui débordait ensuite lors de mon retour au calme.

Je me souviens, lorsque j'ai choisi l'enseignement, avoir fait un mini-stage d'observation d'une semaine dans une école. Et je me souviens, rentrer chaque fois avec une fatigue extrême, alors que je n'avais pas été spécialement active.

Je me souviens que depuis toute petite, je ne supporte pas les sources sonores multiples et que je pouvais être en colère si la radio et la TV, dans 2 pièces séparées, étaient allumées en même temps. Cela ne posait pas de problème à mes parents, qui pouvaient regarder la TV, alors que la radio était allumée en même temps dans une autre pièce (on l'entendait peu).

Je me souviens avoir toujours eu des problèmes avec la ville... Les grandes villes plus particulièrement.

Les grandes villes sont pleines d'odeurs. Ces odeurs me prenaient à la gorge au point qu'à chaque séjour dans une grande ville, je tombais malade.

Les grandes villes sont pleines de bruits. Chaque bruit attire mon attention. La conversation de deux personnes, et de toutes les autres, les voitures qui passent, chacune avec son bruit particulier, le martèlement des talons d'une femme sur le béton, mais aussi tous les autres pas, toutes les chaussures faisant elles aussi chacune un bruit particulier, cinglant parfois, comme ces talons, ou étouffés pour les semelles en gomme, la sonnette d'un vélo, le marchand de rue appelant des clients, les ventilations des magasins... En l'espace d'un instant, je me sens 'saturée', au bord de l'implosion...

Les grandes villes sont pleines de choses à voir. Tous ces bâtiments, avec tous leurs détails de construction, tous les pavages avec leur régularité rassurante mais avec toujours des points irréguliers ou l'arrêt du pavage, que l'on ne peut plus suivre. On perd sa ligne directrice. Tous ces gens qui marchent, tous ces magasins, toutes ces vitrines surchargées... Tout cela arrive à moi en l'espace d'un instant et contribue à ma saturation de manière quasi instantanée.

 

J'ai toujours 'résisté' au mieux à cette saturation mais à quel prix... 

Au prix de nombreuses et fortes décompensations, se manifestant le plus souvent chez moi par des crises de larmes.

 

A ceci, je dois ajouter une sensibilité extrême au froid depuis toute petite et j'ai donc toujours été qualifié de « grande frileuse ». Vers 7-8 ans, je prenais des cours de natation avec d'autres enfants du village. Un bus venait chercher les enfants, puis à la piscine, les cours étaient organisés en plusieurs groupes qui se succédaient. Je faisais partie du dernier groupe. En attendant le cours, les autres enfants jouaient ensemble dans l'eau. Moi, bien qu'aimant beaucoup l'eau, j'attendais sur le bord. D'une part parce que je ne savais pas trop comment jouer avec les autres. D'autre part, parce qu'à cette époque, j'anticipais déjà beaucoup les choses. Or, la première fois, j'avais fait l'erreur d'aller dans l'eau avant le cours et je m'étais retrouvée totalement frigorifiée ensuite. Je savais que si je bougeais, je pouvais rester environ 30minutes dans l'eau mais pas tellement plus. C'était la durée du cours donc j'attendais mon cours. A l'adolescence, les cavalières qui m'apprenaient à monter à cheval étaient étonnées que je garde mon pull en plein été. Aujourd'hui encore, ma frilosité impressionne certaines personnes... Ma kiné m'a par exemple dit qu'elle n'avait jamais vu personne d'autre que moi mettre 2 paires de collants chauds superposés sur une paire de chaussette (comme tenue pour aller au travail, donc pour être dans un intérieur chauffé... pour aller en extérieur, il me faut davantage de couches... quoi qu'il en soit, je dois tenir compte de ceci dans l'achat de mes chaussures...! ; je précise que oui, j'ai déjà essayé les vêtements thermiques, que certains d'entre eux me conviennent mais pas tous et je vous assure que la superpositions des couches est utile dans mon cas).

 

Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi certaines choses me procuraient des sensations si fortes et désagréables alors qu'elles ne semblaient pas avoir le même impact sur les autres. Je me suis dit que je devais être une « petite nature » et cela ne me plaisait pas, d'autant que dans ma famille, personne n'est du genre douillet... Alors j'ai toujours essayé soit de trouver des moyens pour gérer ces difficultés (t-shirts dans culottes, retirer les étiquettes, attendre au bord de la piscine, me couvrir beaucoup...), soit de ne pas trop m'écouter lorsque j'avais des sensations désagréables et essayer de ne rien dire, de faire comme les autres autant que faire se peut... Ce n'est franchement pas simple... d'autant que malgré tous les efforts que l'on puisse faire, les autres n'ont absolument pas conscience que toute notre vie n'est faite que d'efforts pour tenter de montrer qu'on ne déborde pas trop du moule...

 

Quant à la douleur, je ne saurais déterminer si j'y suis hypo ou hyper-sensible. Je crois que les deux sont vrais. Au lycée, nous faisions de la course d'endurance. Autant, je n'étais pas bonne en vitesse (car je tape beaucoup les pieds par terre et je n'arrive pas à courir autrement), autant j'avais certaines capacités en endurance, même si je n'aimais pas cela. De plus, il fallait que je prenne des points en sport, là où je pouvais en prendre, c'est à dire dans les sports non collectifs, et dans les sports n'impliquant pas de 'grâce'... Donc en endurance, je me donnais à fond et j'arrivais dans les premières, très essoufflée. Mais voilà qu'un jour une prise de sang pour une opération des dents de sagesse révéla en réalité une très forte anémie (avec une ferritine <1). Ce fut un peu la panique chez les médecins, qui me demandèrent si je n'avais rien senti, si je n'étais pas plus fatiguée que d'habitude, si je n'étais pas plus essoufflée etc. J'ai expliqué qu'en effet, j'étais essoufflée mais je n'avais pas spécialement remarqué de changement (cette anémie n'était probablement pas arrivée du jour au lendemain), que je me forçais lorsque je faisais du sport et que de toutes façons, tout le monde est essoufflé en faisant du sport (je ne savais pas mesurer si je m'essoufflais plus vite que quelqu'un d'autre). Quant à la fatigue, j'ai toujours été assez facilement fatigable... A la suite de cela, la médecin a été assez alarmiste, me disant que ceci pouvait être très dangereux pour moi, qu'il ne fallait absolument pas forcer physiquement au regard de mon anémie très importante, que si je n'étais pas en hôpital sous perfusion c'est parce que j'étais jeune et qu'ils pensaient que je pourrais récupérer du fer avec un traitement mais que je devais absolument limiter mes efforts. Voici donc un cas où je n'étais finalement pas si douillette que ça. De même, j'ai un assez gros tatouage et je ne pourrais pas dire que celui-ci m'a fait mal. Ce n'est pas très agréable de se faire tatouer, mais je ne crois pas que cela fasse vraiment très mal... A l'inverse, j'ai eu des maux de gorge (simples angines ou rhino-pharyngites) qui m'auraient donné l'envie de me couper la tête...

 

Alors voilà, de manière générale je ne sais pas exactement si je ressens les choses plus ou moins intensément que les autres, car je n'ai jamais été dans la peau de quelqu'un d'autre. Je pense que ça doit dépendre des situations et des gens. Mais je me suis souvent questionnée sur la manière dont pouvait ressentir les autres car j'ai toujours perçue qu'il y avait une différence chez moi à ce niveau...

 

Dernièrement, je relisais un écrit de ma neuropsy dans lequel elle disait que les aspects neuro-cognitifs et sensoriels des autistes étaient certainement la clef de leur compréhsension. Je pense vraiment qu'elle a raison...

Par Weirda

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