Egocentrisme ?

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             
Il parait que les personnes avec autisme manquent d'empathie, contrairement au personnes sans autisme, et qu'elles sont « égocentriques » puisque souvent très préoccupés par leurs intérêts spécifiques et qu'elles sont « anti-sociales » puisqu'elles ont des difficultés à nouer des relations avec les autres...

 

Je ne comprends pas cette vision.

 

Lorsque j'étais enfant, mes frères me disaient que j'étais « égoïste » et « égocentrique ».

Si je ne comprenais pas cela à l'époque, il est vrai qu'au fil des années j'ai compris certaines raisons pour lesquelles ils me tenaient ces propos.

J'étais effectivement préoccupée par mes centres d'intérêts, mes besoins, mon organisation ; or, si je ne pouvais consacrer du temps à mes centres d'intérêts, si je ne faisais pas les choses telles qu'elles étaient programmées, si je ne pouvais pas satisfaire certains besoins, cela m'angoissait, me mettait dans un profond désarroi et je pleurais beaucoup tout en m'isolant.

En outre, je ne m'imaginais pas que les autres puissent avoir d'autres envies/besoins ou encore puissent ressentir de la frustration. Je pense que c'est pour cette raison que certaines personnes me voyaient parfois comme une petite fille « capricieuse » (ce que je n'ai appris que plus tard).

 

J'ai évolué dans ma conscience de l'autre et aujourd'hui, j'essaie de faire attention aux besoins/envies des autres et à ce qu'ils peuvent ressentir.

Pour autant, mes besoins sont différents des leurs et je ne peux pas les refréner.

C'est, entre autre, pourquoi j'ai beaucoup de difficultés à construire une relation de couple... En effet, mon plus grand besoin en couple n'est pas tant de partager avec l'autre mais plutôt que les deux personnes du couple s'apprécient et puissent être des soutiens mutuels. J'aime parfois la présence de quelqu'un à mes côtés mais celle-ci peut se passer de mots... Cela n'exclu pas de partager certaines choses, et si l'on peut partager un intérêt, c'est idéal. Mais quoi qu'il en soit, il est pour moi vital de pouvoir me consacrer à mes propres centres d'intérêts, car ces derniers encombrent mon cerveau et si je ne peux m'y consacrer cela me plonge toujours dans une grande détresse, pouvant entrainer un changement d'humeur important, voire une crise (ou encore, la rupture d'une relation amoureuse...).

Ainsi, on pourrait donc toujours me trouver égocentrique, voire 'capricieuse'...

 

Pourtant, quels sont ces intérêts auxquels j'ai besoin de me consacrer ?

La plupart du temps, c'est de la recherche ou de la création en lien avec mon travail : fonctionnement du cerveau, de l'apprentissage, création de matériel innovant pouvant permettre à des élèves en grandes difficultés scolaires de retrouver goût à l'école, d'apprendre d'une nouvelle manière etc...

Pourquoi tout cela me passionne ? Parce que je suis très intéressée par le fonctionnement de l'humain, parce que je pense qu'il y a de nombreuses choses qui sont mal faites actuellement, et notamment dans le système scolaire que je trouve maltraitant pour certains enfants et que j'aimerais faire de mon mieux, à ma mesure, pour que notre système ait une évolution positive, et à plus petite échelle, pour tenter que mes élèves retrouvent une image positive d'eux mêmes, trouvent des techniques pour contourner leurs troubles spécifiques etc...

Je suis consciente que ce que je fais, d'une part est imparfait et d'autre part, ne sauvera pas le monde. Mais j'essaie d'apporter un peu de positif à la communauté/ à un groupe de personnes (mes élèves) et de ce fait, je ne pense pas être quelqu'un d'égocentrique mais d'être au contraire plutôt altruiste...

 

Tout est une question de point de vue...

 

Un exemple plus éloquent est celui de la grande Temple Grandin, qui est asperger, donc manquant soit-disant d'empathie etc...

Cette dame a pourtant révolutionné les abattoirs aux Etats-Unis en concevant un système plus respectueux des animaux car elle ne supportait pas la souffrance endurée par ces derniers, qu'elle avait pu constater lors d'une visite. Personne ne s'était posé cette question de la souffrance animale avant elle...Qui manque d'empathie dans cette histoire... ? Qui est égoïste ou égocentrique... ?

 

Les personnes sans autisme sont censées être davantage tournées vers les autres. En effet, les personnes sans autisme se rencontrent souvent, échangent, rient et pleurent ensemble, partagent leurs histoires etc...

Ainsi, dans les faits, et d'un point de vue quantitatif, ces personnes sont effectivement davantage tournées vers les autres.

Cependant, d'un point de vue qualitatif, est-ce bien le cas ?

Beaucoup de personnes avec autisme de haut niveau/aspergers (Temple Grandin mais d'autres également) sont à mon sens bien plus tournées vers les autres que les personnes sans autisme car, malgré leur solitude, voire leur égocentrisme apparent, elles cherchent à apporter quelque chose à l'Humanité et non à uniquement satisfaire uniquement leurs propres intérêts.

A l'inverse, lorsque les personnes sans autisme passent du temps avec les autres, ce n'est pas forcément par altruisme mais c'est bien souvent pour satisfaire leur propre besoin de grégarité... Je crois en effet, qu'au final, c'est ce que la plupart des personnes font sous couvert de la « sociabilité ».

Il est une curieuse tradition qui m'agace car je la comprends peu : fêter son anniversaire... Choisir de faire une fête pour son propre anniversaire, en invitant plein de monde et en précisant bien que c'est son anniversaire (sous entendu, dans notre société occidentale, anniversaire = cadeaux), n'est-ce pas le paroxysme de l'égocentrisme ?

 

Heureusement que pendant que certains festoient ensemble en leur propre honneur, d'autres s'isolent pour travailler à l'évolution de l'humanité... ;-)