Autisme Regards Croisés
Contôler ses émotions
« Mais il ne faut pas te mettre dans un état pareil... ! »
Depuis petite, il est une phrase qu'il m'est souvent arrivé d'entendre : « Mais il ne faut pas te mettre dans un état pareil pour ça... ! »
Généralement, j'exprime peu ce que je ressens.
Il peut donc arriver que ce que je ressens ne transparaisse pas extérieurement (surtout si je ne suis pas chez moi, dans mon cercle familial proche).
Il peut aussi arriver que ce que je ressens transparaisse de manière différée. C'est assez fréquent. Parfois, il arrive aussi que je réagisse de manière immédiate.
Quel que soit le moment auquel cette émotion apparait, j'ai parfois des réactions assez fortes.
Il est en effet des situations qui peuvent me chambouler au plus haut point intérieurement et il peut arriver que je manifeste cela fortement extérieurement, sans que cela soit très bien compris.
Ces manifestations, lorsqu'il s'agit du'ne émotion négative, se font sous formes de pleurs le plus souvent, de tremblements et parfois, ceux-ci s'accompagnent de cris et de coups (beaucoup plus rarement).
Depuis petite, on m'a fait comprendre que je ne pouvais pas taper. Alors je me contiens tout ce que je peux. Parfois je ne peux pas. C'est irrépressible. Comme si cela était la seule manière d’exorciser le désarroi. Dans ces cas là, souvent je me fais mal (je ne tape pas sur autrui, je tape génaralement mes mains sur une surface dure).
Depuis petite on m'a fait comprendre que je ne pouvais pas crier et j'ai appris à crier dans un coussin, et ensuite, à retenir mes cris. Cela se solde généralement par un recroquevillement et des balancements qui me calment, avec les sanglots qui s'espacent. Dans l'idéal, je me mets sous une couette. Sinon, je me recroqueville au sol, comme si je me faisais la plus petite possible. Tous mes muscles sont dans une extrême tension.
Plus tard, j'ai trouvé certaines 'méthodes' pour me calmer, mais ce ne sont pas de bonnes méthodes...
Parfois, je n'ai pas de réactions fortes. Parfois j'ai même très peu de réaction. Pourtant je suis au plus mal. Je crois que dans un sens, ce sont les moments les plus dangereux. Je ne sais pas ce qu'il se passe à l’intérieur de moi... Il y a comme un vide... Je suis comme happée par mon désarroi... Peut-être est-ce cela le calme avant la tempête... Je continue à me forcer à avancer, robotiquement... Jusqu'à ce que je ne tienne plus et l'explosion pourrait parfois être dangereuse...
Je me souviens d'un matin, après plusieurs jours d'apathie, je prenais ma voiture pour me rendre au travail. J'étais épuisée. Toutes les émotions sont ressorties à ce moment là. Je me suis mise à pleurer, gémir. Je ne saurai dire ce que je ressentais exactement, si ce n'est que j'avais cette impression que j'étais à bout de force, que je ne pouvais plus supporter tout ce que je supportais quotidiennement. Je fermais mes yeux débordant de larmes et de manière impulsive appuyait sur l'accélérateur à l'approche d'un virage... Puis il y a eu un éclair dans ma tête. J'ai rouvert les yeux et relâché l'accélérateur. Sans me rendre compte, j'aurais pu me donner la mort car je n'arrivais plus à supporter ma vie, tissée de fatigue et d'incompréhensions...Alors que je souhaite vivre... Après cela, je suis allée voir le médecin pour expliquer que ça n'allait pas. Cependant, j'ai eu du mal à expliquer ce qu'il se passait chez moi à ce moment là. Tout d'abord, parce que j'avais un peu 'honte' de ces débordements, d'un certain manque de contrôle de moi... Je suis adulte, je suis enseignante, je ne suis pas censée me laisser débordée par ce que je ressens. J'avais un peu peur qu'elle me prenne pour une folle et comme souvent, je minimisais les choses, pour tenter, justement, de ne pas sembler folle... De plus, j'ai beaucoup de mal à expliquer ce que je ressens, en partie parce que j'ai du mal à bien l'identifier. Je peux dire si la sensation que j'ai est positive ou négative, je pourrais indiquer son degré/échelon de positivité ou négativité, mais je n'arrive pas à clairement exprimer ce que je ressens et pourquoi je ressens cela. Par conséquent, je mélange parfois un peu certaines choses... Ainsi, la médecin a bien vu que je n'étais pas bien; elle m'a conseillé d'aller voir un psychologue (chose que j'ai faite) et m'a arrêté une journée... J'étais vraiment très mal et il me semblait avoir besoin d'un plus long arrêt, mais j'ai pensé qu'elle devait mieux savoir que moi, car elle était médecin... En outre, comme je n'arrivais pas à clairement identifier les raisons de mon malêtre ( qui résultait certainement d'une accumulation de choses ; en outre, je n'avais pas encore, à cette époque de diagnostic de syndrome d'asperger et c'est d'ailleurs environ un an après ces événements que j'ai commencé à chercher ce qui "clochait" chez moi...), je pensais que je devais simplement être une 'petite nature'. Je me suis souvent dit cela, même si au fond, j'en ai jamais été convaincue car j'ai toujours eu l'impression de me battre énormément contre me difficultés et de ne jamais me laisser abattre.
Avec la découverte du SA, les choses ont changées. Je suis toujours la même personne mais j'ai enfin pu identifier ce qui pouvait être si dur pour moi parfois, et par conséquent je sais mieux m'armer face à cela. Par exemple, je sais que parfois, les saturations sensorielles (particulèrement les saturations sonores), peuvent me conduire à un débordement émotionnel. De même, je sais que si je multiplie les relations sociales (par exemple: je vais au travail la semaine et je mange avec des amis le we), cela me fait trop et le fait que je ne puisse pas me reposer du social me conduit à des débordements émotionnels. Donc maintenant, je respecte davantage mon rythme et ma solitude indispensable ce qui me permet de beaucoup mieux gérer mes émotions.
J'ai également pu mieux comprendre mes mécanismes et stratégies émotionnels, notamment avec la lecture du livre « autisme et émotions » de Peter Vermeulen. Ainsi, je crois qu'une meilleure compréhension de ma personne m'a vraiment aidé à aller mieux et c'est notamment dans ce sens que je pense qu'un diagnostic est important.
L'autisme n'est pas une maladie, mais c'est un fonctionnement différent. Il est important de savoir que notre fonctionnement est différent si on veut pouvoir l'apprivoiser.
Par Weirda
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