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Traduction française par Nadine du texte "The Hidden Autistics II: Asperger's in Adults and Empathy", dont l'auteure est Carry Terra (psychothérapeute). 

 

Un événement récurrent au cours des séances dans mon cabinet, c'est la rencontre avec ce que j'appelle « l'empathie autiste ».

Un oxymore, dites-vous ? Je ne pense pas. En fait, cela arrive si souvent au cours des séances que j'ai commencé à penser que le Syndrome d'Asperger est un trouble caractérisé souvent par trop d'empathie, plutôt que par son absence.

 

Avant que je me fasse à cette idée - que je m'attends, au mieux, qu'elle soit considérée avec scepticisme - permettez-moi de décrire ce qui s'est passé lors d'une session qui illustre mon point de vue.

 

Mon client - appelons-le « Gilles » - et moi discutions de l'utilité du jeu comme outil apaisant, lequel peut remédier à des états émotionnels autrement bouleversant. Gilles utilisait quelques outils d'évasion, et nous avons tous deux convenu que son immersion dans le monde du jeu en ligne avait un coût.

 

À un moment donné, nous avons comparé son jeu à d'autres outils apaisants, et j'ai mentionné mon outil de prédilection : les beignets. En réponse, Gilles a commencé à prêcher que manger beaucoup de beignets ne prêtait pas à conséquence. Au bout de quelques minutes à expliquer sincèrement pourquoi je n'avais pas à me sentir coupable de mon habitude à manger des beignets, j'ai réalisé qu'il craignait que je puisse me sentir gênée.

 

Je l'ai interrompu. Cela serait-il possible ? En effet, ça l'est. Gilles, cet adulte avec Asperger, avait pressenti que j'étais gênée et a fait de son mieux pour me mettre à l'aise. Il n'y avait aucune autre explication : il s'agissait d'empathie.

 

En fait, beaucoup de clients ont montré le même niveau d'empathie de multiples façons au cours des séances. Je la vois quand ils versent une larme en décrivant la douleur de leur animal. Je la vois dans leur retrait silencieux quand un parent s'emporte injustement. Je la vois dans leur attirance pour la justice sociale. Je la vois avec les groupes hommes Asperger, dans lesquels ils sont gentils et encouragent l'autre d'une manière qui viole les normes sociales mâles.

 

En fait, je me demande souvent si le retrait des adultes sur le spectre auquel ils se résolvent est émotionnellement nécessaire. S'ils ressentent la souffrance des autres intensément et qu'en plus de cela il leur manque souvent les compétences sociales pour se donner l'apaisement « nécessaire », que vont-ils faire ? Le retrait et la distanciation deviennent plus que des styles relationnels : ils deviennent des outils nécessaires pour l'instinct de conservation.

 

Imaginons le désarroi de l'adolescent sur le spectre autistique rentrant de l'école et trouvant ses parents se chamaillant discrètement. Parce qu'il est sensible, il sait que quelque chose ne va pas. Son corps est en état d'alerte, et il veut aider. Parce qu'il a de l'empathie, il aimerait réconforter. Cependant, parce qu'il est brillant et apprend à partir des schémas, il sait qu'historiquement, il a dit la « mauvaise » chose dans ces situations, ce qui les a empiré. Il détermine, fort logiquement, que la meilleure chose qu'il puisse faire est d'aller dans sa chambre et d'écouter un livre audio. Les deux parents l'ayant remarqué, ils notent combien il semble peu se préoccuper de personnes autres que lui-même.

 

Souvent, les adultes sur le spectre autistique ont trop d'empathie. Ressentir intensément et échouer lamentablement lorsqu'ils tentent d'apporter du réconfort, provoque plus de blessures qui ne peut être tolérée. Se retirer permet de se réconforter. Et confirme leur image en tant que non-empathique.

 

« L'empathie autiste » est une expérience puissante et laisse l'adulte sans aucun moyen de gérer les fortes émotions d'autrui, qui résonnent profondément en lui. Notre métier en s'y rapportant doit regarder au-delà de la facette de calme ou d'indifférence avec une tranquille curiosité, de résister à l'indignation que nous ressentons lorsque quelqu'un affiche si peu de réaction vers l'extérieur. Les partenaires qui le font se sont retrouvés avec un monde riche de sensibilité et d'attachement, le monde qu'ils ressentent mais ne peuvent pas voir facilement.

 

Adultes aspergers et empathie

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