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The big day                              Par Gérald


 

                                                                                              

                                                                                                        « Surtout, fais attention, t’endors pas »

                                                                                                                 Les Griffes de La Nuit, 1984

 

 

 

 

 

 

 

Mercredi 16 Juin

 

 

Le grand jour est enfin arrivé Madame la Juge à Lunettes. J’ai rendez-vous au Centre de Diagnostic et d’Evaluation de L’Autisme Adultes (CDEAA) à la Salpêtrière (rien que ça ! La classe quand même non ?). 

« Diagnostic » : rêve pour certains, cauchemar pour d’autres, prison ou liberté. Ce mot est pour un adulte autiste tellement chargé de sens que son évocation suffit à provoquer tournis et vertiges, vertiges et tournis. Quant à moi, le premier mot me venant à l’esprit est le mot : « difficulté ». 

 

Nous pourrions en effet croire, Madame La Juge à Lunettes, qu’une fois le mot découvert, qu’une fois le mot extirpé de son antre secrète, la victoire serait remportée et que nous obtiendrions le précieux sésame pour vivre le reste de notre vie dans la joie et la félicité de la connaissance et l’acceptation de soi. Ce serait une erreur. Il nous faut bien comprendre que si les préliminaires permettant de se rapprocher des mots « diagnostic » et « autisme » peuvent durer longtemps (trente-sept ans en ce qui me concerne) voire pour les plus malchanceux ne jamais prendre fin, tout adulte désireux d’obtenir le verdict final devra se battre sans répits jusqu’à la dernière seconde. 

Ainsi par exemple, dans le syntagme « demander un diagnostic » le mot le plus terrifiant pour un adulte autiste n’est pas forcément celui que nous pourrions croire au premier abord mais bel et bien le mot « demander ». Il y a tellement longtemps qu’un adulte autiste a perdu l’habitude de demander quoi que ce soit… 

« Demander » impose l’idée d’entrer en contact d’une façon ou d’une autre avec un inconnu. « Demander » impose l’idée de demande (évidemment), l’idée de « aidez-moi », l’idée de « faites quelque chose pour moi », l’idée de « écoutez-moi ». Il y a tellement longtemps qu’un adulte autiste a abandonné toute revendication que… Pour un neurotypique, l’idée du coût énergétique qu’une telle action va engendrer et produire chez un adulte autiste est tout simplement inconcevable. Et pourtant.

De quelle façon prend-on rendez-vous ? Ou nous nous déplaçons, ou nous téléphonons. Même si les autistes sont souvent prêts à presque tout pour esquiver leurs terreurs et les crises d’angoisse qui en résultent, trois heures de route pour simplement prendre un rendez-vous m’apparaissait en ce qui me concerne compliqué (ridicule aussi oui), sans compter que les embûches sur une telle route représentaient à elles seules quelque chose comme l’Infini. Restait le téléphone. Seul problème. Les autistes possèdent bien souvent dans leur panoplie une appréhension plus ou moins développée du téléphone. Ce qui est mon cas. 

Il ne me semble pas vous avoir parlé de cette particularité Madame la Juge. Comme bon nombre d’autistes, je suis en effet devenu (presque) incapable de décrocher le téléphone. Je n’y parviens qu’en cas d’extrême urgence ou par pulsion incompréhensible. En dehors de ces deux cas bien précis, vous pouvez attendre très longtemps (et l’amitié n’y change absolument rien) que je vous appelle ou vous réponde (Ma femme c’est différent. Si je réponds pas elle me colle une tarte elle. Une espèce de motivation supérieure si vous préférez). Plutôt que d’une peur irrationnelle, je pense que le pourquoi tient certainement dans ces particularités que je tente de vous expliquer depuis quelques jours. Le niveau d’écoute, l’absence de repères visuels, l’absence des repères habituels qui bon gré mal gré nous permettent de comprendre un minimum les règles sociales, l’incompréhension totale, et au final l’angoisse. Je ne supporte pas le téléphone et n’oublie jamais de quotidiennement faire mes ablutions à l’inventeur du texto. (Ainsi soit-il amen !)

En attendant, l’adulte autiste, isolé dans son coin, contemple les informations sur les sites internet, et les jours, et les semaines, et les mois défilés  (j’y vais j’y vais pas. Non demain j’y vais. Ah non, pas aujourd’hui. Non ! Demain promis j’appelle ! Ah oui non. Pas aujourd’hui. Demain promis de chez promis sur la vie de ma bite j’appelle !)... Et pendant que tout le reste du monde semble concerné par tout un tas de problèmes incroyablement importants pour l’avenir de l’humanité, lui se torture et se tétanise d’angoisse à la simple idée de devoir décrocher son téléphone pour prendre un rendez-vous. 

Heureusement pour notre histoire (dans le cas contraire il est envisageable que je sois demeuré bloqué au paragraphe précédent depuis tous ces mois), comme les personnes du CDEEEEEAAAAAA sont particulièrement au fait des traits autistiques et des comportements étranges qu’ils peuvent engendrer, ils ont prévu la possibilité d’effectuer la prise de contact par mail (du pain béni). Celui que je leur ai écrit peut se résumer en ces quelques mots : « Au secours ! ».

Le seul problème, malgré tout leur bon vouloir, est qu’un autiste envoyant  un message à quelqu’un a tendance à prendre comme un affront personnel une réponse non immédiate. L’autiste traduira bien souvent ce manque de réactivité ainsi : « Ils s’en tapent. Ils ne m’aiment pas. Ils sont méchants », avant de couper tout contact relationnel. Heureusement, comme mon moyen de communication de prédilection est l’écrit, et que de toute façon je suis à la limite de l’incapacité de décrocher le téléphone, je suis devenu fort patient et ne me suis pas offusqué. Ainsi, après quelques semaines, j’ai fini par obtenir un rendez-vous (par téléphone oui, mais ne me demandez pas comment. C’est du genre, ils m’ont appelé en premier. J’ai laissé sonner. Ils m’ont laissé un message. Je les ai rappelés la semaine suivante. La secrétaire était aux toilettes, en vacances, au funérarium, ils me rappelleraient. Je laisserai sonner etc. Le téléphone quoi !). Contre toute attente,  j’y suis allé. 

 

J’y suis allé, oui. Avoir un rendez-vous est une chose, s’y rendre en est une autre. Et entre les deux, absolument tout peut se passer (en réalité il ne se passe jamais rien. Aucun train ne déraille, aucune centrale nucléaire n’explose et aucun tsunami ne ravage Paris) et notamment un léger bug de l’espace du genre : « c’est pas grave si t’y vas pas toute façon t’es pas autiste ça se saurait » avant de se retrouver en phase de sidération derrière son volant de voiture à regarder l’horloge accumuler un retard tel qu’il ne puisse plus être excusé et faire demi-tour pour rentrer chez soi, abattu et aigri. Ou bien avoir en plus de tout le reste, une légère appréhension à l’idée de pénétrer dans la capitale. 

Je n’avais jamais eu de problème avec Paris avant de devenir adulte. Elle restait dans son coin, moi dans le mien et tout se passait merveilleusement bien. Je me souviens lorsque mon père nous emmenait (regarder les putes comme disait Maman) au cinéma, à un concert ou sur les quais de Seine, et que tout le fond de notre bouche nous brûlait au bout d’une heure. J’ai toujours trouvé que Paris était une ville bruyante, qui sentait mauvais, où il faisait toujours trop chaud ou trop froid et où tu avais toujours mal aux yeux (et aussi à ne jamais le dire en public). Malgré tout, nous parvenions à coexister sans trop nous détester. Et puis, Paris est pour moi devenue ingérable. Je ne pouvais plus y entrer qu’en cas d’extrême nécessité tandis que le coût énergétique et les stratégies mises en œuvre pour y parvenir ne cessaient de prendre de l’ampleur. 

Se taper un angle droit en plein périph’ pour prendre la première sortie, se mettre en warning et pisser sur un remblai peut en soi être une expérience traumatisante (en tout cas pour l’ami qui m’accompagnait ce soir-là sur la place passager (du mort), elle l’aura été). J’ai longtemps cru qu’il s’agissait d’une peur irrationnelle, d’une peur sociale, d’une peur des gens, mais plus les confrontations (car même si comme la plupart des gens je préfère éviter les situations contraignantes, je ne lâche jamais vraiment l’affaire) se produisaient moins cette raison me satisfaisait. Après des mois et des mois, j’ai fini  par trouver l’explication. 

Le harcèlement sensoriel n’est jamais aussi fort, aussi agressif qu’à Paris. Les bruits sont permanents, le mouvement y est constant, chacun des sens est sollicité à son degré le plus élevé, ce qui provoque un afflux d’informations permanent dont mon inconscient se passerait bien et qu’il ne parvenait plus du tout à gérer, ce qu’il transmettait inévitablement par le corps, et donc d’effroyables envie de pisser. Pourquoi pisser ? Tout ceci est d’une logique sans failles lorsque que vous y penser Madame La Juge. Tiens, justement je vous laisse y penser et trouver la réponse. 

 

 - Mais t’as une vessie de hamster ma parole !

 - File-moi ta gourde ! Tu vas voir que je te pisse trois litres à l’aise-blaise tous les quarts d’heures !

 

Depuis, avec beaucoup d’expérience et de travail, tant sur le plan psychologique que sensoriel, j’ai appris à davantage fermer les canaux et à me détendre. Je peux tenir quarante-cinq minutes (au lieu de quinze), voire plus, avant d’exploser en une monstrueuse gerbe de pisse. Ce qui me permet de me rendre à peu près partout n’importe où dans Paris (armé d’une gourde bien entendu !). Contrôler la dose de stress que peut occasionner un diagnostique psychiatrique ? No soucy !

La Salpetrière est à l’image de Paris. Une grande ville dans une grande ville (et pas un seul chiottes ou bosquet à l’horizon !)(bienvenu en enfer). Mais j’y vais. Se passe ensuite un nombre indéfinissable de rituels et de circonvolutions que je maitrise parfaitement mais dont je vous épargnerai ici la description car nous pourrions y passer la journée Madame La Juge (on peut aussi appeler ça : tirer sur l’horloge) et dont le but consiste à trouver des excuses pour aller ici et là, faire des tours et des détours en se demandant si on va y aller ou pas. J’y suis allé.

Je m’attendais à être reçu dans un de ces lieux habituels dont nous avons tous hélas l’habitude et qui ressemblerait à un cabinet médical. Je me trompais. Je me trompais lourdement. J’étais sans aucun doute possible dans un hôpital. J’étais sans aucun doute possible chez les grands malades, les fous, les cinglés, ceux dont on ferme la porte à clé la nuit mais aussi le jour pour ne pas qu’ils s’échappent et se transforment en une armée de zombies prête à tout ravager. Le genre de personne que l’on surveille à travers un hublot avant d’ouvrir la porte afin de s’assurer quelle ne nous attend pas avec un pied de table fraîchement aiguisé avec les dents. J’ai suivi les indications à travers l’enfilade de portes fermées et aussi silencieuses et apaisées qu’un cimetière pour finir par trouver un secrétariat. Ils m’ont fait attendre (enfin non, avant j’ai détruit leur chiottes)(sans verrou en plus, bonjour l’angoisse ! Tout lâché d’un coup !)(oui je me fais un devoir d’apporter l’ultime précision ! Je suis autiste ! Et donc handicapé. On pardonne tout à un handicapé)(Que tu sois borderline, bipolaire, neurotypique, névrosé ou même une Juge à Lunettes en petit tailleur so sexy, je t’invite à méditer sur cette maxime : A la fin, c’est toujours le colon qui gagne)(fonctionne aussi très bien avec la vessie)(et sur les imbéciles de la diaspora psy du tout Paris) dans le couloir, puis dans une pièce, une ancienne chambre de fou, reconvertie en salle d’interrogatoire. Pour la détente et la prise en considération du potentiel autisme, aucun doute, nous étions au top niveau… 

Au bout d’un certain temps, un temps plutôt long, une infirmière, taille poids dans la moyenne, blonde au visage marqué par les années, est entrée avec quelques papiers. Elle s’est assise sur le coin d’une table style formica et l’interrogatoire a commencé. 

Comme la plupart des infirmières que j’ai eu la chance et le bonheur de rencontrer au cours de ma longue carrière de grand malade, celle-ci m’a paru d’une grande gentillesse et d’une grande douceur (peut-être aurait-elle voulu être ma maman ?)(les infirmières m’apparaissent souvent comme des jolies mamans oui, et les médecins comme des affreux papas)(est-ce pour cette raison que les uns et les autres ne cessent de jouer au papa et à la maman dans les placards à balais ?)(oui je sais, j’ai des problèmes psychologiques et aucun médecin n’a jamais baisé aucune infirmière. Ceci est une fausse représentation de la réalité influée par l’abus inconsidéré de films américains)(sans aucun doute…). Les questions, très orientées vers la problématique autistique et la fameuse triade, ont défilé pendant vingt minutes. J’étais rassuré. Incontestablement, elle savait de quoi elle causait. 

Ses fiches renseignées, elle s’est levée, est partie, et de nouveau je me suis retrouvé à attendre un certain temps avant que le psychiatre, Freddy, n’arrive et ne me fasse entrer dans un véritable bureau lui, un grand et beau bureau (sont trop forts ces psy sérieux)(ça fait tellement cliché ce que j’écris là que j’ose à peine l’écrire)(l’infirmière sur un coin de table et le boss dans le gros bureau)(et ce sont ces gens qui vont me juger moi ? On est bien barré tiens). Après quarante à quarante-cinq minutes d’entretien et de questions tournant autour de l’anamnèse dont je vous ai également fait part Madame La Juge, le verdict est tombé. Sans appel :

 

 - Pour moi clairement vous ne relevez clairement pas de l'autisme ni du syndrome d'Asperger ce qui clairement est déjà ça. 

(Moi, stoïque, pas une ride, pas un frémissement d’émotion sur le visage. Mais pourquoi t'arrêtes pas de répéter clairement, ça m'écorche le tympan ?)

 - Vous avez un peu le regard fuyant mais vu votre parcours… Vous avez une phobie sociale et une légère dépression. 

(Moi, stoïque, mort de rire dedans moi tellement je l’avais vu venir de loin)(pas assez ceci dit sinon j’aurais pu l’esquiver)(ou du moins essayer…).

 - Nous allons vous faire passer des tests sur une journée, pour votre développement personnel. Nous avons aussi des groupes de soutien et je pense que cela pourrait vous faire le plus grand bien. Je vous recommande également la thérapie mindfullness. Je vous donne l'adresse du site des psychiatres de France. Vous devriez clairement être suivi. Il vous donnera des antidépresseurs. Cela prend trois semaines pour réduire la dépression et trois à quatre mois pour l'anxiété.

 - Ok. Merci. Au revoir. 

 

 

 

Pour un œil averti, ceci pourrait s’apparenter à une fuite. Je n’étais absolument pas d’accord avec Freddy et pourtant, il faut bien l’avouer, j’ai fermé ma gueule et je suis reparti la queue (basse et toute molle) entre les jambes. Comme d’habitude. 

Qu’aurais-je pu faire d’autre ? Mon parcours en atteste pour moi, discuter avec une Blouse Blanche ne sert à rien. Discuter en tant qu’autiste est difficile (nous ne sommes pas censés être capable de parler). Quant à discuter avec Freddy…. Cela dépasse la difficulté, cela relève de la mission impossible (Monsieur Smith ?). Il n’y a aucun doute là-dessus. 

Ce petit homme (car il est très petit et comme beaucoup de petits hommes…) affiche un sourire de parade, une bonhommie costumée de très haut niveau destinée à vous mettre à l’aise et à vous amener à la connivence, à vous mettre en tant que patient dans l’ambiance de la confidence. En réalité ce type est un roc et une fois le costume de parade effacé nous nous retrouvons face à un bloc monstrueux constitué d’ego et de suffisance.  Je suis intimement persuadé, car je l’ai ressenti de toutes parts, qu’aller à son encontre c’est prendre un allez simple pour le pur massacre. En tant qu’autiste, ce n’est même pas la peine d’y penser. En deux phrases t’es mort. Il ne lui reste qu’à te piétiner, et même pas pour être sûr que tu ne bouges plus mais juste par pur plaisir (sadique ?). Je sais que des personnes ayant par la suite été reconnues autistes par d’autres institutions se sont aventurées à défier Freddy. Ils se sont fait lapider et sont ressortis en morceaux. Alors, je ne vais pas m’étendre sur les qualités de l’homme et en tirer un réquisitoire en bonne et due forme Madame La Juge car non seulement il est possible que(moi) je puisse me tromper mais ajouté à cela, n’oubliez jamais que je suis le Malade, je suis l’autiste, et qu’en conséquence de quoi, je n’ai absolument aucun droit, aucun pouvoir, aucune légitimité, aucune liberté de mouvement face à la psychiatrologie parisienne. J’ai de toute façon perdu d’avance (ils ont des explications et des arguments pour tout)(à se demander pourquoi ils ne guérissent jamais vraiment personne…) Sachez toutefois que cet homme est dangereux. Et malgré ma force, malgré mes expériences, malgré mes stratégies, quarante-cinq minutes lui ont suffi pour m’atteindre et me foutre dans une sacrée merde.

 

Nous noterons tout de même qu’il est de notoriété publique que l’homme en question est justement spécialisé dans la phobie sociale (c’est sa grande passion la phobie sociale). Alors je sais pas vous mais moi, pour commencer, juste pour commencer, je me pose une question. Je me pose une seule foutue question !  Que fait-il à la tête d’un service de diagnostic d'adultes autistes ?

 

Je suis dépressif. Bon… Ça aussi c’est de notoriété publique…  (pas besoin d’avoir fait vingt ans d’études, quasiment tout le monde vous dira que j’ai un fond dépressif). Je suis dépressif. Dépressif… Dépressif ? Je dois vous avouer quelque chose Madame La Juge. Je ne supporte pas les dépressifs. Vraiment. Je ne les supporte pas. Je vois un dépressif, je me fige, je ne bouge plus. Et si ce moment dure trop longtemps, l’émotion que je ressens s’appelle «  l’envie de faire mal ».  Et plus le moment s’éternise plus l’envie de faire mal augmente, augmente, augmente....  Plus généralement, je ne supporte pas les malades, les plaintifs, les accrocs de la jérémiade, tout simplement parce que ma dose d’empathie frôle le néant en ce qui les concerne.  Je les regarde, je les écoute et… Rien. Je ne sais ni ne peux faire quoi que ce soit pour eux (à part un bon gros coup de pied au cul ?). Alors je ne ressens rien.  Remarquez, c’est peut-être pour cette raison que j’ai des comportements autodestructeurs. Je ne me supporte pas car je suis dépressif (que je cherche des solutions depuis vingt ans, tout seul, on s’en tape). Trop fort ce médecin. 

Si moi je suis en pleine dépression alors je le suis depuis toujours et  je tiens ici à rassurer mes amis, ce n’est pas demain que je vais me suicider (je souhaite d’ailleurs à tout le monde de tomber en pleine dépression aussi fort que moi. On pourrait bien combler la moitié du trou de la sécu en arrêtant de se cachetonner, les vendeurs de bières seraient super heureux, nous pourrions probablement aussi sauver la planète d’une destruction écologique, et plus que tout j’aurais peut-être enfin droit à mon sexe drug and rock’n roll ! Yes baby !).

 

Malgré tout, comment ne pas douter face au Grand Chef à Blouse Blanche ? Ceci est une bonne question. Comment ne pas douter ? Comment ne pas s’effondrer, comment rester debout et poursuivre sa route sans même broncher ? Je ne sais pas. Et s’il avait raison ? Après tout, c’est lui le professionnel bardé de diplômes et d’expérience. Que je sois phobique est faux. Je l’ai été mais à présent je ne le suis plus. Ceci dit peut-être reste-t-il des morceaux accrochés. Comment savoir ?  Est-ce qu’un phobique comme je l’ai été pourrait prendre sa voiture aux heures de pointes, traverser la banlieue, traverser le treizième arrondissement, trouver une place, traverser la Salpetrière qui représente à elle seule une ville dans une autre ville, et se pointer devant une tripotée de psys pour se faire examiner le cerveau de fond en comble ? En réalité non. Il ne pourrait pas. Le phobique en question serait mort douze fois de suite. Je le sais puisque je l’ai été. A ma grande époque, je ne pouvais pas même aller voir ma banquière tout seul à trois kilomètres de chez moi. Soyons sérieux ! 

Le mot « phobique » désigne une peur extrême. Qu’un grand psychiatre vous dise au bout de trois quart d’heure « vous êtes phobique »… Ou alors il existe des degrés phobiques... Je ne sais pas. Mais dans ce cas-là nous dénaturons la valeur du mot lui-même et il conviendrait d’en changer. Il conviendrait également de nous en avertir. Histoire que nous causions la même langue quoi.

 

« Vous êtes juste un peu phobique monsieur. N’ayez pas peur. » Voilà ce que signifiaient les mots et l’intonation de Freddy. Cela n’a aucun sens… « Vous êtes juste un peu phobique Monsieur. N’ayez pas peur. Nous allons nous occuper de vous. »  Tout ceci laisse également supposer que si la phobie dispose de degrés, alors… A partir du moment où nous avons peur, et nous avons tous peur, nous sommes tous un peu phobiques. (On monte une assoce les gars ?)

Mais admettons ! Admettons Madame La juge. Mon stress, mon angoisse, mes sidérations psychologiques, sont dues à ma peur panique des gens. (Non sérieux je vois un gens houlala trop la peur ! Pitié pitié me mange pas). Mais alors, pourquoi cette très forte appréhension face au téléphone ? Le gens qui me fait faire pipi dans ma culotte, il n’est pas là, il n’est pas présent, il est de l’autre côté du téléphone quelque part dans le monde (à vrai dire nous ne savons même pas s’il existe pour de vrai celui-là. On le voit jamais le type qui téléphone. Qui te dit qu’il existe ?). En réalité, la question, cette question a été esquivée par le Grand Chef à Blouse Blanche. Vraiment, esquivée oui. Je vois encore ses gestes, balancement de la tête sur le côté, détournement des yeux, jeté de mains, hélas je ne me souviens plus exactement de ces mots. Il incluait cette peur du téléphone dans sa phobie mais sans chercher à comprendre, sans chercher à expliquer.  L’esquive totale. 

Pourtant si le médecin y avait regardé de plus près, s’il avait eu envie de comprendre, s’il avait voulu apporter une explication, j’aurais pu lui dire qu’aller sonner chez les parents de la copine de ma fille à trois rues de chez moi (ou de l’autre côté du monde) afin de leur poser une question ne me posent aucun problème mais qu’en revanche décrocher le téléphone pour poser exactement la même question m’est à peine envisageable ! (loué soit  encore le dieu texto).  Peut-être aurait-il pu m’expliquer pourquoi oui ? Ou bien aurait-il osé me diagnostiquer phobique du téléphone ? Je pense moi qu’en réalité cette appréhension du téléphone a pour origine une tout autre cause (autistique elle), qu’elle ne rentrait pas dans le tableau qu’il était en train de peindre sur ma gueule et qu’il a tout simplement fait comme si cette particularité n’existait pas.

 

Je pense que la difficulté à poser un diagnostic cohérent de l’autisme ne tient pas uniquement dans le discernement des traits parfois très subtilement dissimulés du patient, mais aussi dans le fonctionnement de ces êtres humains si patauds, si lourdauds, si égotiques, si imbus d’eux-mêmes et de leur carrière à venir, en un mot eux-mêmes si névrosés. 

D’un côté vous avez un patient d’une intelligence potentiellement supérieure et de l’autre une forme médecin, c'est-à-dire l’archétype, une posture,  ce n’est pas vraiment une personne, c’est un médecin qui joue son rôle de médecin, le rôle qui lui a été appris. Il dispose d’un mode opératoire à suivre, de gestes à accomplir, un ordre de questions à poser, des mots-clés à repérer etc . Il le fait, et son esprit dessine déjà le diagnostic qu’il va poser avant d’avoir posé la dernière question. Il n’est pas là pour écouter mais pour valider son hypothèse et vous la faire accepter. Le but du jeu consistant à certifier coûte que coûte l’hypothèse. Pour quelle raison ? Parce qu’on lui a appris, parce que nous avons tous appris, que le médecin ne se trompait jamais. 

J’ai parlé à Freddy comme je vous parle Madame La Juge, sans jamais rien lui cacher. Cet homme a posé un diagnostic, une certitude sur moi, en me regardant droit dans les yeux en quarante-cinq minutes d’anamnèse. N’est-ce pas déjà  une lourde erreur en soi ? Tout le monde sait qu’un des plus lourds traits autistiques qui soit est de ne pas comprendre les implicites, de s’attacher au sens premier des mots comme de la glue sur un papier.  Ne devrait-il pas dès lors y avoir une sorte de devoir de réserve de la part du médecin tentant de poser un diagnostic d’autisme ? Bien sûr, Freddy ayant diagnostiqué une phobie et une dépression, les mots qu’il a prononcés ne sont censés avoir aucune incidence particulière sur moi, tout juste provoquer une prise de conscience, selon lui, il ne prend aucun risque particulier. Et pourtant… S’il se trompait ? (on voit bien que l’idée qu’il puisse se tromper ne fait pas partie de cet univers) Que se passerait-il s’il s’était trompé et annonçait une phobie sociale et une dépression à une personne effectivement autiste tout en niant totalement son autisme ? 

 

 Pour le cas où il y aurait un doute, je ne sais pas moi, 0,3% de chance que  ce dernier ait fait une erreur dans son raisonnement, dans son diagnostique, que je ne sois pas phobique mais autiste, alors je vais tout simplement m’accrocher à ce qu’il a dit comme des poux sur un pouilleux. Et là par contre, les incidences risquent d’être un peu plus nombreuses et un peu plus douloureuses (je vais prendre très cher) et  parmi elles se trouve potentiellement celle d’accepter de se faire traiter de façon psychiatrique  pour une phobie et une dépression alors que je suis autiste. (rassurez-vous nous avons déjà vu pire dans la littérature). Trois fois rien en somme. Et bien entendu aucune chance que quoi que se soit s’arrange. Quelle est la conclusion Madame La Juge ? Elle est très simple. Nous voyons que nous atteignons sans aucun souci les limites de Freddy. Celui ci n’a visiblement qu’une connaissance limitée de  l’étendue du spectre autistique et vraisemblablement aucune idée des conséquences d’un tel fonctionnement, ces 0,3% d’erreur pris au hasard, ne peuvent même pas exister dans son esprit. Dans un cas comme dans l’autre…  

 

« Nous allons vous faire passer des tests sur une journée », m’a-t-il dit. Je veux bien, oui, mais pour quelle raison exactement ? Je ne comprends pas ! Pour quelle raison passer une journée à faire des tests alors que cet homme vient de me certifier que je ne suis pas autiste ? Je suis dans un centre de diagnostic de l’autisme, il vient de me dire que je ne suis absolument pas concerné ni par l’autisme ni par le syndrome d’Asperger, pour quelle raison donc me faire passer des tests, si je ne suis pas concerné ? Je ne comprends pas ! Et puis quels seront ces tests ?  Je ne suis pas autiste. Alors quels seront ces tests ? Que va-t-il tester ? Je ne comprends pas et j’ai peur. Ce type est dangereux !

Il m’aura fallu douze heures pour retracer son schéma de pensées (intelligence supérieure faudra repasser, je suis grave à la bourre !). Lors de l’entretien,  j’étais là comme un con à raconter ma vie en regardant par terre et autour de moi, innocemment, niaisement, comme d’habitude, pensant bêtement  que l’Autre, en face de moi, allait écouter et comprendre ce que je disais. Je n’ai pas vu un demi-bout de ficelle du piège qui se refermait sur moi. Le psychiatre, lui, est arrivé avec son idée et n’en a jamais démordu. Rappelons que sa spécialité est la phobie sociale, terme apparaissant en lui-même aussi générique que l’autisme. Par la suite toutes ces questions furent orientées dans ce sens, et si j’avais été si malin que je le prétends, je l’aurais directement remarqué (ce qui en réalité n’est peut-être pas possible si je suis autiste)(en gros je me fais systématiquement niquer la gueule).

 

—  Vous buvez de l’alcool ?

Oui ça a commencé par les repas amicaux

Comment se passerait un repas amical s’il n’y avait pas d’alcool ?

Je sais pas. Y a toujours de l’alcool. Mais avant qu’ils ne le servent, je stresse, je m’agite. C’est que les gens sont là, à parler… Ils parlent ils parlent de… Je sais même pas de quoi ils parlent ni comment ils font. C’est tellement... Ca m’occupe de boire. Je m’ennuie et je stresse. Ca me calme.

 

 

 

Nous voyons  bien l’enchaînement des questions 

 

1/ vous buvez, c’est pas bien ! Il aurait pu s’arrêter sur l’aspect ritualisés de mes deux bières du soir deux ou trois fois par semaine, bières que je bois seul et d’une certaine façon mais qui socialement ne représente absolument rien, mais non, il a choisi la voie du repas amical, l’aspect social. Etonnant non ? 

2/ Le repas amical pourrait être traité de plusieurs façons différentes. Pourquoi utilise-t-il le mot « ennui » ? Pourquoi ne pas parler avec les autres comme tout le monde ? Y a-t-il autre chose ? Le médecin ici préfère s’arrêter sur le mot « stress » et le lier à « calmer » et « alcool » ce qui donne naturellement « peur des gens » et va nettement plus dans son sens que dans le mien. A partir de là les questions s’enchaînent et toutes iront dans ce sens. 

 

 

 - Que faites vous quand vous vous réveillez la nuit ?  

 - Je me fais des films.

 -  Des fictions ? De la science-fiction ?

 - Non pas de la science-fiction, plutôt de l’anticipation. 

 

 

 

Le verdict donnera après manipulation par les filtres transformateurs du médecin : « scénario catastrophe ». Bon. Que pouvons-nous y faire ? 

 

Mais là encore, pourquoi ne pas plutôt rebondir sur la précision du mot que j’ai utilisé.  Je l’ai rectifié  pour une certaine raison pas pour faire mon intéressant. Pourquoi ne pas en chercher la raison ? Il y a une nette nuance entre la science-fiction et l’anticipation. Que je m’inquiète de l’entrée de mon fils au collège, puisque tel était mon exemple du jour, est pour lui devenu un scénario catastrophe. Mouais, bon…  Quel parent ne s’inquiète pas de l’entrée de son enfant au collège ? N’est-ce pas légitime ? Ne serait-ce pas plutôt l’inverse, un parent qui ne s’inquiète pas,  qui serait signe de pathologie ? Je vous l’ai dit Madame La Juge, ce type me fait peur. (signe paranoïaque évident !)( ça va , je me moque !).

Au-delà de cet exemple, l’anticipation fait partie des stratégies mises au point par l’autiste intelligent  pour tenter de réguler l’angoisse. Autant vous le dire direct ça marche que dalle. Le scénario catastrophe lui serait davantage utilisé par les gens ayant peur de tout et de rien afin de justifier leur peur pour continuer d’avoir peur tranquillement. 

 

Lorsque le médecin  demande : « Et comment dormez vous la nuit ? ». N’est-ce pas une question orientée qui viendra valider son idée saugrenue de la dépression ? Oui je dors très mal. Mais personne n’est-il capable d’entendre : « je suis veilleur de nuit à mi-temps et  père au foyer à plein temps (rythme chronobiologique systématiquement détruit par les nuits de veilles, compte-tenu de mon niveau intellectuel mon cerveau adore causer tout seul tout le temps, un parcours de merde et des traits autistiques, ainsi de suite». (Est-ce qu’avec tout ça tu dormirais comme un chérubin sur un nuage monsieur le docteur ?)Non, ceci est impossible à entendre puisque ce n’est pas la question qui détermine ici la réponse mais la réponse qui détermine la question. Le médecin avait déjà sa réponse toute faite. Il savait parfaitement ce que j’allais répondre et il ne lui restait donc plus qu’à poser sa question correctement et au bon moment pour valider sa réponse. Un jeu d’enfant en somme.

 

Et ainsi de suite. Je pense que vous avez compris. Le principal souci de ce type de raisonnement est que cette méthode  fonctionne également à l’inverse. Il conviendrait donc  simplement de tomber sur un psychiatre qui plutôt que tomber en amour pour la phobie sociale soit tombé en amour pour l’autisme, pour que l’entretien soit orienté dans l’autre direction et que nous obtenions notre jolie petite étiquette d’autisme à peu près dans le même laps de temps.  Pourrait-on dire que le diagnostic par entretien se fait à la tête du client et selon l’humeur du jour du psychiatre ? Nous n’en sommes pas loin.  

 

Ce que ne devrait pas oublier nos si grands psychiatres (aux tous petits ego tout riquiqui) diagnostiqueurs, est qu’un entretien ne peut valider l’autisme, ne peut valider certaines tranches du spectre, des tranches particulièrement bien cachées,  particulièrement bien cachées par des années de survie sociale. Au mieux,  il peut être une indication mais prendre le parti d’affirmer au bout de quarante-cinq minute :  « vous n’êtes absolument pas concerné par l’autisme mais vous êtes phobique et dépressif », c’est juste…  Une erreur professionnelle ?

 

La difficulté de poser un diagnostic tient également à l’entremêlement des causes/ conséquences. Comment ne pas être fatigué lorsqu’on passe sa journée à mettre en place et utiliser des stratégies inopérantes ? Comment bien dormir la nuit lorsque l’autisme nous enferme socialement tous les jours un peu plus, lorsque problèmes professionnels, problème de couples, d’enfants,  d’argent. Dites-moi  comment bien dormir lorsque tous ces problèmes s’accumulent jours après jours, années après années quoi que nous fassions et promis je le ferai ! 

 

Ainsi les conséquences sociales de l’autisme apparaissent et ressortent au cours d’un entretien comme les symptômes d’une autre pathologie ;  Je suis dépressif parce que j’envisage des galères pour mes enfants, parce que je dors très mal, parce que je bois de l’alcool, et parce que je stresse en permanence. 

Qui pourrait lui donner tort ? Personne. Ces signes sont effectivement  les symptômes d’une bonne dépression. Les causes.

Il en va de même pour ce qu’il appelle la « phobie sociale » mais qu’il conviendrait davantage d’appeler anxiété sociale (ou un truc dans le genre). Lorsque vous parcourez ici et là les sites d’informations plus ou moins scientifiques traitant de la phobie sociale, pour ensuite les comparer à mes histoires, vous ne pouvez que tomber d’accord avec  Freddy : je suis un hyper-anxieux social et j’ai aussi dans ma besace de nombreux symptômes d’une bonne dépression. Que voulez-vous que je vous dise ? Freddy a raison. Et pourtant Freddy est incompétent. Et je le répète, son incompétence, compte tenu de ses propres particularités, est dangereuse pour tout autiste s’approchant trop près de lui. 

Nous sommes à mon humble avis très loin du niveau exigé en matière de diagnostic autistique. L’anxiété et consort sont peut être les symptômes de différentes pathologies mais ce sont aussi et avant tout les conséquences sociales de l’autisme. Et tant que nos si grands médecins ne seront pas foutus… Et ça… Ne pas le savoir, ou ne pas en tenir compte, quand on travaille dans le CDDEEEEAAAA, n’est-ce pas également une faute professionnelle ? 

 

Face à une telle erreur de diagnostic, ou du moins raccourci, ou du moins annonce pre-diagnostic,  appelez ça comme vous le souhaitez Madame La Juge,  je ne vois vraiment pas pour quelle raison je m’infligerai la peine d’une journée de tests si ce n’est que pour confirmer une affirmation posée un mois et demi plus tôt, une affirmation qui sonnait à mes oreilles comme une certitude, une affirmation sur laquelle personne ne serait jamais capable de revenir. Je n’y suis pas allé. 

 

Comment ne pas avoir doute ? C’est impossible. Il faut douter de tout. Excepté du but. Et chercher. Avancer.  Comment ne pas douter ? Eh bien je ne sais pas. Ce n’est pas facile de continuer. Comme de nombreux autistes, j’ai  personnellement l’expérience nécessaire, notre parcours et notre instinct de survie nous ayant forcé à désacraliser la toute puissante blouse blanche de leur absence d’écoute, de leur posture supérieure en toute circonstance, de leur mépris, tout ceci par leurs erreurs médicales quand toi tu te poses face à eux mais que par Principe Moral, tu ne peux avoir raison car tu n’as pas passé dix ans à apprendre des dictionnaires.

 

J’ai joué mon rôle à la perfection jusqu’au bout. J’ai énormément appris sur la condition neurotypique ces dernières années. Je n’ai quasiment plus aucune difficulté aujourd’hui à me lever, suivre quelqu’un, afficher un sourire niais, une écoute attentive, prononcer quelques mots de connivences sociales. « Oui… Hum… Je comprends… Ok…. Ca marche… On fait comme ça… D’accord » (n‘oubliez jamais le sourire parfaitement niais, c’est la clé à mon avis). Tout sourire, affichant une grande satisfaction, j’ai tendu la main à Freddy, ou bien est-ce lui qui a initié le mouvement, je ne sais plus. En revanche, je n’oublierai jamais  le moment où j’ai tendu la main à l’infirmière se tenant légèrement en retrait sur le côté du psychiatre. Visiblement, ce n’était absolument ni prévu ni envisageable pour eux. Elle a très légèrement sursauté en affichant une demie seconde de surprise. Elle tenait des stylos dans sa main et s’est trouvée fort embarrassée au moment de me tendre la main. Elle n’était absolument pas prête. Je me souviens aussi parfaitement bien du regard de Freddy fixant ma main au moment ou celle-ci s’avançait vers l’infirmière, surpris lui aussi. Comme une scène de cinéma au ralenti… Je venais de les placer au même niveau de leur échelle sociale et visiblement les deux s’en trouvaient surpris voire contrariés. Ou bien ai-je encore halluciné ? Je n’ai pas parlé de mes hallucinations à Freddy. (je déconne). Je vais vous dire Madame La Juge à Lunettes, ce n’est vraiment pas simple d’être un bon neurotypique. 

 

 

Mes conseils personnels pour tous ceux qui auraient appris quelque chose en me lisant et qui souhaiteraient en savoir plus sur eux-mêmes et s’orienter vers une démarche de ce type auprès de professionnels. 

 

1/ Lorsqu'on vous demande votre passif en matière de psy : niez tout ! 

2/ Au grand jamais ne prononcez les mots « phobie » et « sociale », même si vous en avez été atteint il y a deux siècles et demi.

3/ A la question :  "comment vous sentez vous en ce moment ? ».  NE JAMAIS REPONDRE : "fatigué" Dites plutôt un truc : "Super ! la forme mec, tout ça c'est la routine pour moi ! J'ai une de ces pêches, (ah non pas pêche je supporte pas les pêches) J'ai une de ces patates !" (Ouais, trop bons les patates !)

4/ Si l'on vous demande "comment dormez-vous la nuit" ne répondez surtout pas " mal je me réveille à 2H30 et je commence à faire plein de films" (signe très révélateur de la fameuse phobie sociale avec troubles lourds d'anxiété dépressive). Dites plutôt "comme un bébé !!! Mais attention, un bébé qui fait ses nuits Doc ! houlalala ce que je dors bien depuis toutes ces années auxquelles je n’ai jamais rien compris."

 

5/ Le mieux c'est encore de pas répondre, parce qu'un autiste capable de parler et raconter sa vie, c’est comme une fourmi à mille têtes ! Ça n’existe pas !!

 

6/ PArce que j'adore les six et leurs magnifique courbes. Ne vous trompez pas d’ascenseur pour redescendre. Vous vous retrouveriez bloqué dans des couloirs de portes fermées à clés et peuplés d'une faune pour le moins étrange et sans aucune blouse blanche ni Tarzan à l'horizon. J'ai bien cru que j'allais y rester. Heureusement, comme je suis phobique, j'ai crié !

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